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Mais voilà assez de résultats de l’analyse. Passons, pour terminer, au livre de l’ancien lord chancelier de l’Angleterre, Henri Brougham.

Les Anglais ont publié beaucoup d’ouvrages de mérite sur la théologie naturelle. Ainsi que le titre l’indique ; la théologie de la nature a pour objet l’étude de toutes les inductions que la constitution du monde peut permettre de tirer relativement à la cause première qui l’a créé et organisé. En ce sens et sans le vouloir, Laplace a travaillé pour la théologie naturelle en dévoilant les belles lois qu’il a pu saisir à l’aide de son génie mathématique. Parmi tous les auteurs anglais qui ont traité ce sujet, un des premiers rangs est assigné à William Paley, dont l’ouvrage a été traduit en français il y a quelques années. Lord Brougham a honoré la théologie naturelle de Paley de dissertations accessoires qui ont paru en 1839 en deux volumes dignes d’une intelligence de premier rang (of first rate) comme la sienne. Après des articles de longue haleine sur l’instinct et sur l’intelligence, on y trouve un traité complet sur l’art de bâtir que les abeilles mettent en œuvre pour leurs cellules. Ces insectes se montrent d’excellens mathématiciens dans leurs constructions, sans avoir eu besoin de passer par notre célèbre École polytechnique. Lord Brougham se montre lui-même un très bon géomètre, en mettant en évidence tout l’art de ces ouvriers d’instinct qui donnent à leurs cellules


Cette forme élégante ainsi que régulière,
Qui ménage l’espace autant que la matière,


comme l’a dit Delille, descripteur patenté du Parnasse. Après le traité sur les cellules viennent plusieurs traités remarquables sur des questions de métaphysique morale ou religieuse, puis une belle revue des travaux de Cuvier et de ses successeurs sur la nature fossile avec les déductions relatives à la théologie naturelle. Ce traité mériterait à lui seul une étude spéciale, et il marque l’état de la science à l’époque où il a été écrit. Il y a d’excellens jalons pour la distribution géographique des espèces antédiluviennes. Enfin vient une étude solide du fameux ouvrage de Newton sur la philosophie naturelle. Ce dernier traité, tout mathématique, nous montre lord Brougham sous un jour nouveau. Ce n’est plus l’homme d’état qui a honoré, par ses lumières, son désintéressement et des réformes importantes, les fonctions de lord chancelier ; ce n’est plus l’orateur éloquent du barreau et de la tribune ; ce n’est plus l’homme de salon dans lequel le bon sens brille à côté et à l’égal de l’esprit français (qu’on me passe ce terme peu modeste ici) ; ce n’est plus l’expérimentateur opticien, suivant moi, un peu aventureux en théorie, s’il est inattaquable dans les faits qu’il découvre : c’est un vrai et