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On sait tout ce que Newton avait inutilement tenté en théorie et en pratique pour arriver à ce résultat, Euler avait perdu un œil à force de travail nocturne dans ses calculs lunaires.

Enfin Laplace vînt !

Maintenant, grâce à lui, la Connaissance des Temps de France, le Nautical Almanack d’Angleterre, et, depuis peu, une troisième éphéméride, imprimée et calculée en Amérique, donnent chaque jour et chaque heure la position de la lune, et par suite la longitude du navire qui observe à un instant quelconque la distance de la lune à une étoile ou à une planète comprise dans les éphémérides françaises, anglaises ou américaines. Si la Terre, comme Jupiter, eût eu quatre lunes au lieu d’une, et surtout des lunes marchant rapidement, comme celles de Jupiter, le problème des longitudes n’eût pas arrêté l’esprit humain jusqu’au commencement de ce siècle, et il n’eût pas été besoin d’un Laplace pour en surmonter les difficultés. I/idée de l’emploi des limes de Jupiter pour la longitude à l’usage des navigateurs des océans de cette planète appartient à Huygehs, qui l’a indiquée avant la fin de l’avant-dernier siècle. Une comparaison établie par Arago entre les résultats obtenus par l’observation de la lune et par la méthode des montres marines toujours susceptibles de dérangemens, a prononcé en faveur des observations lunaires, et donné un nouveau prix à la théorie mathématique de notre satellite, laquelle cependant laissé encore beaucoup à désirer, car elle ne peut répondre des mouvemens de la lune que pour quelques dizaines d’années, tandis que c’est par dizaines de siècles que l’on compte les périodes qu’embrasse la théorie des planètes et surtout du soleil, comme on peut le voir par la belle publication que vient de faire M. Leverrier sur la théorie de notre astre central, en tenant compte de toutes les influences perturbatrices même les plus minimes.

Lorsqu’on dit aux personnes non initiées aux recherches astronomiques que sérieusement les savans ont pu se préoccuper si dans quelques millions de siècles la lune ne tombera pas sur la terre, cette sollicitude leur paraît bien peu fondée. Avant ce temps, que de générations, que de dynasties, que de peuples auront passé sur notre globe ! La race humaine elle-même est-elle assurée d’un avenir si lointain ? On sait, dit Lucrèce, qu’il est dans les destins qu’un jour viendra où la mer, la terre et le palais céleste s’embraseront, et où la masse entière du monde s’écrasera sous ses propres ruines. Ailleurs il spécifie que, malgré la différence de nature des eaux de la terre et du ciel, tout périra en un même jour, et que la charpente ébranlée du monde se dissoudra ? après avoir résisté à la destruction pendant un grand nombre d’années. Heureusement pour lui, le