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de la découverte Le bey me demanda un mémoire et un plan, que je lui remis. J’envoyai à Marseille des échantillons de la gomme de Thala, qui fut jugée par le commerce supérieure à celle du Sénégal. Il fut un peu question de l’exploiter, puis la chose tomba, et depuis mon départ de Tunis je n’ai pas, entendu dire qu’on s’en soit occupé. Il est certain qu’outre les deux mines de plomb qui sont en exploitation, il en est beaucoup d’autres, tant de plomb que de fer, qui pourraient l’être dans des localités où se trouvent à la fois des bois et des cours d’eau, c’est-à-dire les conditions principales des exploitations métallurgiques. C’est peut-être seulement en ceci que le gouvernement tunisien aurait un besoin indispensable de la science européenne. Quant à l’industrie manufacturière, que, sans la développer avec excès, il ne faut cependant pas trop négliger, le gouvernement de la régence devra se contenter pendant longtemps des méthodes indigènes, qui malheureusement se perdent chaque jour, sans que rien les remplace. En fait d’industrie, la sagesse d’un peuple ne consiste pas à tout faire, mais à faire les choses auxquelles il est le plus propre, et qu’il peut produire dans les meilleures conditions, se confiant au commerce pour avoir le reste, qu’il aura toujours dès qu’il sera en mesure de porter son contingent sur le marché commun. À vrai dire, entre vouloir tout faire et ne rien faire, il y a un juste milieu, et c’est fort au-dessous de ce juste milieu que se trouve la régence de Tunis. Le nouveau bey devra donc, et sans aucun doute il y a déjà pensé, soutenir les industries textiles et chancelantes de Zaoughan, Nabel, Beni-Khiar, Gafsa et surtout Djerba.

Avant tout, je le répète, que le gouvernement tunisien soutienne et améliore l’agriculture ; que toutes ses pensées, toutes ses actions tendent vers ce but ; C’est par l’agriculture que le pays se régénérera, c’est par l’agriculture qu’il sera riche, paisible et heureux ; c’est par l’agriculture que s’arrêtera le fléau toujours croissant de la dépopulation. Je fais des vœux bien sincères pour que tous ces heureux changemens se réalisent sous le règne du bey actuel. Le sort de près d’un million de ses semblables lui est confié sur une terre qui pourrait facilement en nourrir dix fois autant. Il n’a donc pas à résoudre ces redoutables problèmes nés de l’exubérance de la population, des froissemens d’intérêts et des appétits surexcités. Qu’il se mette résolument à l’œuvre. Son esprit sage et modéré se maintiendra, on aime à l’espérer, aussi loin de la puérile manie d’imitation de son prédécesseur que de toute répugnance systématique pour ce qui est nouveau.


E. PELLISSIER DE REYNAUD.