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cette culture dans les contrées qui lui conviennent le moins peut et doit l’accroître dans celles qui lui conviennent le plus. Nul doute que la production du vin ne puisse doubler, si elle a des débouchés suffisons. Il y a encore dans le tiers méridional de la France de grandes étendues de terres incultes ou à peu près, admirablement propres à la vigne. J’y vois, pour mon compte, une des plus belles promesses de notre avenir ; mais, pour qu’elle se développe, elle a besoin de l’exportation, Voilà un intérêt qui doit balancer bien des craintes. Quand même le blé devrait baisser un peu dans le midi par l’admission des blés étrangers, ce que je ne crois pas, mais ce que j’admets un moment, l’agriculture de cette partie de la France peut trouver dans le vin une magnifique compensation, sans parler des autres conséquences probables de la libre exportation et des communications perfectionnées, comme la hausse de la viande, du maïs, des légumes secs, des fruits, des volailles, et d’une foule de produits spéciaux qui n’ont eu longtemps que peu de valeur.

Un fait s’oppose, je le sais, à cette extension si désirable de notre exportation en vins, c’est le droit prohibitif qui les frappe encore à leur entrée en Angleterre. Je ne puis croire que cette exception choquante au régime habile et libéral des douanes chez nos voisins puisse encore subsister longtemps. Le secrétaire du Board of Trade, sir James Emerson Tennent, vient, il est vrai, de publier une brochure pour la défendre ; mais il s’est attiré, de la part d’un négociant anglais, une réponse tout à fait péremptoire. M. Bosville James n’a pas eu de peine à prouver que, si le droit sur les vins était réduit à un shelling par gallon ou 28 centimes le litre, au lieu d’un franc 60 centimes, qui est le taux actuel, il en résulterait une révolution salutaire dans les habitudes du peuple anglais, sans nuire en aucune façon au revenu public. Les défenseurs du droit partent de ce principe, que le vin sera toujours un objet de luxe en Angleterre ; mais si on pouvait le vendre au détail à un shelling la bouteille, il en serait tout autrement. Les consommateurs anglais ne connaissent pas nos bons vins ordinaires, notamment ceux du midi ; ils les rechercheraient s’ils les connaissaient davantage, et, comme le remarque très bien M. Bosville James, la consommation de la bière, qui rapporte une somme considérable au trésor public, n’en souffrirait pas ; il n’y aurait de menacés que les spiritueux, dont on fait un usage immodéré, contraire à la santé comme à la moralité publique.

Au moment où l’alliance intime entre la France et l’Angleterre, si longtemps attaquée par des préventions séculaires, mais si conforme à l’intérêt bien entendu des deux peuples, vient de se resserrer par une action commune sur les champs de bataille, il serait plus à propos que jamais de la cimenter par des concessions dédouanes. Les Anglais ont déjà fait de grands pas, c’est à eux de faire le dernier, et