Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/120

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

a eu aussi un temps où le sucre indigène de betterave avait besoin d’une forte protection ; ce temps est passé. On pouvait se demander alors si les cultivateurs flamands et picards, au lieu de s’obstiner à faire du sucre, n’auraient pas eu plus de profit à cultiver, comme les Anglais, des racines exclusivement consacrées à la nourriture du bétail. Ces questions seraient aujourd’hui oiseuses ; d’énormes capitaux ont été perdus dans la création de cette industrie, mais d’énormes capitaux ont été gagnés ; le souvenir des pertes est effacé, les bénéfices seuls frappent les yeux, et grâce aux perfectionnemens que chaque jour amène dans l’extraction de ce sucre, on doit espérer qu’il n’aura plus besoin de secours. Les rôles sont changés ; c’est aujourd’hui le sucre des colonies qui s’alarme.

La grande industrie française des soieries a pris une si magnifique extension, elle occupe tant de bras et de capitaux, elle réalise de si puissans bénéfices, qu’on n’est pas tenté de lui marchander les matières premières. Les soies étrangères entrent sans difficulté, personne ne s’en plaint. La valeur annuelle de l’importation dépasse pourtant 100 millions ; mais la production nationale arrive à peu près au même chiffre, et rien ne limite ses progrès. Toute soie est vendue d’avance ; on en obtiendrait deux fois plus qu’on en vendrait deux fois plus sans baisse de prix. Ce qui en limite la quantité, ce n’est pas le débouché, c’est la difficulté de la production. La soie exige des conditions particulières qui ne se retrouvent pas partout ; huit départemens en ont presque le monopole, et dans ces huit il en est quatre, le Gard, la Drôme, l’Ardèche et l’Hérault, qui en obtiennent à eux seuls les trois quarts. On a essayé d’étendre ailleurs cette belle industrie, mais sans beaucoup de succès. Les nombreuses tentatives faites en Algérie ont échoué, du moins jusqu’ici. Ce n’est pas une raison pour désespérer de l’avenir, c’en est une pour chercher dans l’importation, en attendant mieux, le supplément nécessaire à nos fabriques. Tout le monde étant d’accord sur ce point, il est inutile d’insister. Je n’ai pas besoin de faire la même démonstration pour le lin et le chanvre ; je ne pourrais que me répéter.

Restent les vins. Ici personne ne conteste l’immense intérêt de la production nationale à l’extension du commerce extérieur. Depuis quelques années, la vigne souffre en France comme partout ; mais ce n’est là qu’un mal passager, et si j’en crois les espérances que j’entends exprimer, on commence à entrevoir le terme de ces épreuves. En temps ordinaire, le vin constitue une de nos plus grandes richesses agricoles ; nous pouvons pour ainsi dire en fournir le monde entier sans nuire à notre propre consommation. Sur quelques points du nord et de l’est, la vigne a pris peut-être trop d’extension, par suite de la difficulté des communications qui ne permettait pas aux vins du midi d’arriver ; mais la même cause qui réduira sans doute