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produits du sol au profit de la propriété territoriale, en empêchant l’importation. Depuis qu’il existe, les prix des laines ont subi des variations, soit en baisse soit en hausse, tout à fait indépendantes du régime douanier. Par un hasard singulier, elles ont baissé après l’établissement du droit protecteur, elles ont remonté quand il a été ramené à 20 pour 100 en 1835 ; aujourd’hui encore, au moment où il vient d’être radicalement réduit, elles sont en hausse. Quant à l’importation, elle a toujours été croissant ; rien n’a pu l’arrêter.

C’est qu’on avait compté sans le fait qui domine tout et qui a bouleversé les calculs, l’augmentation de la consommation Depuis trente-cinq ans, la consommation de la laine a doublé en France, elle est en train de doubler encore. L’avenir de l’industrie lainière, depuis surtout qu’elle a varié ses produits en créant une foule d’étoffes légères, paraît indéfini. La laine devient pour le coton une rivale de plus en plus redoutable, et on ne peut que s’en réjouir. Outre que le coton nous vient de régions lointaines qui peuvent à tout moment suspendre leurs envois, tandis que la laine jaillit de notre propre sol, la culture de l’un peut compter parmi les plus épuisantes, tandis que l’autre s’associe à un second et précieux produit, la viande, et contribue à l’amélioration de la terre par l’engrais. Le coton a une tache originelle, c’est le fruit du travail esclave ; la laine au contraire suppose d’autres mœurs, les peuples pasteurs ont toujours été des peuples libres. La plante américaine exige un climat spécial peu favorable à l’espèce humaine, les troupeaux prospèrent dans les régions tempérées où l’homme fait son principal séjour. La laine enfin a des propriétés que le coton n’a pas, les vêtemens qui en sont formés défendent plus sûrement des brusques alternatives de température, et leur influence sur la santé n’est pas contestée. L’humanité ne peut donc que gagner sous tous les rapports à l’immense extension que prend dans le monde la fabrication des lainages : Dieu veuille qu’elle puisse s’étendre encore, car il y a peu d’instrumens de civilisation aussi actifs, tant pour ce qu’elle développe que pour ce qu’elle combat !

Sans doute il serait désirable que le territoire national produisît, en sus de ce qu’il porte aujourd’hui, les 35 millions de kilos demandés à l’importation et beaucoup d’autres encore qui lui seront demandés à l’avenir. Malheureusement la lenteur inévitable des améliorations agricoles ne l’a pas permis. La production de la laine n’est pas stationnaire en France, bien loin de là ; elle marche assez rapidement, mais elle n’a pas pu aller aussi vite que la consommation. Faut-il alors enlever à l’industrie lainière les ressources qu’elle peut trouver ailleurs ? On vient de voir qu’on ne le peut pas, à moins d’une prohibition absolue, puisqu’un droit de 20 pour 100, aggravé