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en lui ce que demandent le marbre et le bronze, un ensemble de lignes harmonieuses. Aussi je ne m’étonne pas que David n’ait pas réussi à composer une statue majestueuse avec l’auteur des Messéniennes. Abstraction faite du drapeau, que je n’accepte pas, je reconnais qu’il a traité avec beaucoup d’adresse les diverses parties de son œuvre. Les mains sont belles et modelées avec fermeté, le vêtement a de l’ampleur et de la souplesse. .Je crois vraiment que le statuaire a fait tout ce qu’il pouvait faire, mais on trouve rarement une tête aussi belle que celle de Bernardin de Saint-Pierre.

Avant d’aborder les ouvrages qui ont occupé David dans les dernières années de sa vie, il me semble important de rappeler deux charmantes figures, moins connues que bien des statues du même auteur qui sont loin d’offrir le même intérêt et la même pureté : je veux parler de la Jeune Fille au tombeau de Botzaris et de l’Enfant à la Grappe. La première de ces deux figures, donnée à la Grèce, aurait été mutilée, d’après le récit de quelques voyageurs, et vraiment ce serait grand dommage, car David n’a jamais rien fait d’aussi élégant. J’ai dit qu’il vantait Jean Goujon sans essayer de marcher sur ses traces. Cette jeune fille, malgré son élégance, n’a rien à démêler avec les naïades de la fontaine des Innocens. C’est une création ingénieuse et touchante, d’une simplicité qui rappelle les meilleurs temps de la statuaire; mais l’âge même de la figure prouve que David, en la composant, cherchait plutôt la vérité que la beauté. Elle n’a pas plus de douze ans, et sa puberté incomplète donne au torse et aux membres quelque chose d’un peu grêle. Cet âge indécis, qui n’est plus l’enfance et qui n’est pas encore la nubilité, est pour le statuaire une donnée difficile à traiter. David s’en est tiré à son honneur, et je crois même qu’il n’a jamais rien conçu de plus heureux ni de plus vrai. Dans l’étude et l’imitation de la nature, le ciseau ne peut aller plus loin; mais Jean Goujon n’a jamais traité une pareille donnée, parce qu’elle n’offre pas l’épanouissement complet de la beauté. Quant au mouvement de la figure, il s’accorde à merveille avec l’idée que David a voulu exprimer : l’enfance épelant le nom glorieux d’un héros. La jeune fille, à demi couchée, suit du doigt les lettres gravées sur le marbre tumulaire, et son visage exprime la curiosité. David a franchement accepté le caractère grêle de la nature à cet âge, et tous ses efforts se sont concentrés sur l’exactitude littérale de l’imitation. Sans approuver sa résolution, je dois dire qu’il a réussi au-delà des plus hardies espérances. S’il n’a pas fait à l’idéal toutes les concessions que le goût réclame, il a du moins modelé une figure d’une charmante ingénuité, dont toutes les parties révèlent un savoir profond. Les genoux et les malléoles sont un peu anguleux : ainsi le voulait la donnée choisie par