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des autres, sont la révélation d’un besoin de curiosité qui travaille les générations nouvelles, et que l’autorité ne peut plus satisfaire.

Le mouvement de la renaissance, qui commence en Italie au XVe siècle et se prolonge jusqu’à la fin du XVIe, se caractérise par deux tendances opposées, qui ont pour résultat l’émancipation de l’esprit humain et le réveil de la société séculière. Si dans les arts et dans les lettres on s’efforce d’imiter l’antiquité, dont on a retrouvé les chefs-d’œuvre immortels, et de ressaisir les traditions d’un idéal qu’on ne dépassera pas, — dans les sciences et dans la philosophie, qui les résume toutes, on secoue le joug du passé, on repousse l’autorité de Platon, d’Aristote, et celle de la scolastique, pour se livrer à l’étude de la nature. On vit alors un spectacle unique. Un souffle de vie nouvelle circule dans le monde et transforme, comme par enchantement, la vieille société féodale. Les murs cyclopéens et les donjons du moyen âge s’écroulent sous le marteau des démolisseurs, les villes changent d’aspect et deviennent aussi riantes qu’elles avaient été étroites et sombres. Les formes maigres, confuses et pointues de l’architecture barbare se dénouent en lignes harmonieuses, et les temples gothiques, qui semblaient n’avoir été construits que pour y invoquer la mort, et où la lumière ne pénétrait qu’à regret comme la joie dans le cœur, des pénitens, font place à des églises spacieuses et sereines, où la prière circule librement et s’exhale comme un encens de poésie pour bénir et glorifier la Providence, qui a comblé l’homme de bienfaits. Les images traditionnelles des personnages divins, où l’inexpérience de l’ouvrier a été qualifiée de pieuse naïveté, dépouillent leurs formes béates et grêles pour revêtir, sous la main de l’artiste inspiré, celles de la belle humanité, transfigurée par un goût et un sentiment supérieurs. Les statues endormies depuis si longtemps dans leurs froides niches se réveillent, elles ouvrent enfin les yeux à la lumière, elles se remuent, elles respirent, et le symbole muet et sourd de la tradition devient un être vivant qui nous voit, nous entend, s’intéresse à nos joies et à nos misères. Des palais magnifiques, des costumes somptueux, le culte du plaisir et de la jeunesse, des spectacles nouveaux, la grâce du langage et des manières, le goût de la sociabilité élégante, l’art pénétrant partout et donnant à toutes choses le mouvement et la vie, tels furent les premiers résultats de ce grand réveil de la fantaisie humaine. L’antiquité fut évoquée, les divinités charmantes du polythéisme retrouvèrent de nombreux adorateurs, et, joyeuses de cette restauration inespérée de leur empire, elles descendirent sur la terre pour se mêler à ces brigate de poètes, d’artistes et de beaux esprits qui allaient chantant par les carrefours et au penchant des collines le plaisir de vivre et les belles passions du cœur humain.