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Autrichiens entraient dans les principautés, et il put cependant se trouver au meurtrier combat de Balaklava du 25 octobre 1854.

Deux événemens considérables, qui eurent une grande influence sur la carrière d’Omer-Pacha et sur le sort des principautés, eurent lieu au mois de juin 1854. L’Autriche, préoccupée de l’arrivée des armées alliées sur le territoire bulgare et appréhendant de voir les provinces danubiennes devenir le théâtre de la guerre, se hâta de conclure la convention du 14 juin 1854, qui ferma aux armées alliées un champ de bataille sur lequel elles pouvaient remporter des avantages sûrs et rapides. Cette convention eut, il faut le dire, des conséquences funestes pour la campagne même de Crimée. D’autre part, le prince de Varsovie, avant qu’il fût question de la signature de la convention du 14 juin, avait vu d’un coup d’œil toute la gravité des conjonctures au milieu desquelles se trouvait l’empire russe par suite de l’alliance que la guerre venait de sceller entre la France et l’Angleterre, comme aussi des justes inquiétudes que la présence des armées impériales devant Kalafat et Silistrie donnait à l’Autriche, en réveillant le sentiment national parmi les Slaves de Bulgarie et de Servie. Le prince Paskiévitch n’était pas seulement un général consommé, c’était un homme politique de premier ordre, et la modération était un des signes de sa supériorité. Il comprit que le premier intérêt de la Russie était de se ménager la neutralité de l’Autriche et de l’Allemagne, que cette neutralité était la meilleure barrière que le tsar pût mettre entre lui et ses puissans adversaires, et que cette barrière rendait la Russie invulnérable partout ailleurs qu’à ses extrémités, c’est-à-dire la même où elle pouvait offrir le plus de résistance ; Le prince de Varsovie adressa donc à l’empereur Nicolas un mémoire qui fut connu de quelques personnes honorées de sa confiance, et dont voici la substance :

« 1° L’empereur de Russie devait avant toutes choses prendre des mesures de nature à lui concilier le bon vouloir et le concours amical des cours de Vienne et de Berlin, en évitant soigneusement de froisser aucun intérêt allemand ou autrichien. Il devait donc sans hésitation cesser la guerre offensive sur le Danube, évacuer les principautés, faire repasser le Pruth à ses armées, et n’apporter aucune entrave à la navigation du Danube ;

« 2° Il devait cesser toute guerre offensive en Europe, et se tenir sur une défensive formidable, mais se préparer à prendre avec vigueur l’offensive en Asie, où la Russie trouverait des millions de coreligionnaires qui avaient accueilli avec transport ses étendards en 1829, et qui pouvaient former le noyau d’un état chrétien considérable ;

« 3° Il devait fomenter l’insurrection parmi les populations chrétiennes de l’empire ottoman, et soulever la Grèce au moyen de subsides