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des Turcs, trois divisions d’infanterie, six batteries légères, douze batteries de gros calibre, quatre régimens de cavalerie et huit régimens de cosaques, en tout de quarante à quarante-cinq mille hommes qui devaient cerner et attaquer le camp retranché et très étendu des Turcs. Cette force considérable, dont on connut bientôt la composition et le nombre dans le camp des Turcs, les remplit d’inquiétude, parce que ceux qui étaient à Kalafat ne s’étaient pas encore mesurés avec les Russes, et que l’effet moral produit par le combat d’Oltenitza s’était déjà affaibli. Les avant-postes turcs étaient dans des alarmes constantes. Pour faire cesser cette fâcheuse situation, Omer-Pacha appela Iskender-Bey à commander les avant-postes. Le lieutenant qui avait franchi avec tant d’audace et de bonheur les défilés de l’Herzégovine habitua peu à peu la cavalerie turque et les bachi-bouzouks non-seulement à ne pas craindre les lances des cosaques, mais à prendre l’offensive alors même que l’ennemi était supérieur en nombre. Iskender-Bey, qui parle parfaitement le turc et qui s’est complètement identifié avec la vie et les habitudes de l’Orient, parvint à organiser des régimens de bachi-bouzouks et à les soumettre à la discipline militaire. C’est jusqu’à ce jour la seule tentative de ce genre qui ait réussi, et Iskender-Bey est le seul qui ait transformé ces bandes sauvages et à demi nues en soldats réguliers. À la tête de ses cavaliers, Iskender-Bey harcelait les Russes sur tous les points de leur ligne, et tombait quelquefois même au milieu de leurs cantonnemens, à Tchoupercheni, à Poyana, à Skripéty ; ses bachi-bouzouks répandirent bientôt la terreur parmi les cavaliers russes, qui peu de temps auparavant méprisaient ces hordes indisciplinées.

Dans la plaine de Kalafat, à droite de la route qui mène de ce petit bourg à Radovan, où se trouvait le quartier-général de l’armée russe, est situé le village de Tchetaté, sur des collines qui s’élèvent à une distance de cinq ou six lieues de Kalafat et à une lieue du Danube. L’aide-de-camp général Anrep, un des plus brillans officiers de l’armée russe, se servit habilement de cette position pour tendre aux Turcs un piège qui, sans leur bravoure, leur aurait été fatal. Une division d’infanterie russe prit position à Tchetaté et établit une batterie sur une colline qui domine la plaine devant ce village. Ismaïl-Pacha, commandant de la garnison de Kalafat, inquiet de voir les Russes s’établir sur son flanc gauche, appréhendant de les voir descendre le Danube pour prendre Kalafat à revers et le cerner, se décida à sortir de son camp retranché et à marcher contre la position de Tchetaté. Le 6 janvier 1854, douze bataillons d’infanterie, trois régimens de cavalerie et quatre bataillons d’artillerie, sous les ordres d’Ismaïl-Pacha, d’Ahmed et de Mustafa-Pacha, attaquèrent