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Entre ces deux personnes, il y avait donc des points de contact dont la solitude devait développer la secrète affinité. Les soirées qu’on passait au coin du feu furent abrégées par des conversations qui allégeaient le poids des heures. Alexandrine prenait un bon livre et en faisait la lecture à haute voix ; on en discutait les passages saillans. D’autres fois, elle jouait sur son piano, qu’elle avait apporté de Moulins, les airs que Mme de Fougerolles préférait, et ce n’étaient pas, comme on pense, les plus nouveaux. Ces rapports intellectuels firent naître entre la baronne et sa nièce une intimité que Mlle du Rosier se garda bien de laisser aller jusqu’à la familiarité. Si l’une, entraînée par le plaisir inattendu qu’elle trouvait dans ces conversations, oubliait quelquefois la position qu’elle avait faite à Mlle du Rosier, celle-ci rétablissait bien vite la distance qui les séparait, et rappelait par quelques mots qu’elle était la protégée, et Mme de Fougerolles la protectrice.

L’hiver chassa l’automne, et les jours froids ramenèrent la baronne à Paris. Déjà, sans que Mme de Fougerolles se l’avouât, Mlle du Rosier lui était devenue, sinon indispensable, du moins utile et agréable. Elle l’emmena donc avec elle, et on ne s’arrêta à Moulins que le temps de voir et d’embrasser Louise.

On se souvient de cette Mme Ledoux, qui avait si obligeamment offert à Mlle du Rosier de payer la note du parfumeur. Une lettre qu’elle reçut de son pays la força, en lui apprenant la mort d’une sœur qui laissait deux enfans en bas âge, de demander son congé à la baronne peu de jours après leur installation à Paris. Le devoir lui faisait une loi de se consacrer tout entière à ces petits orphelins.

— L’ingrate ! s’écria Mme de Fougerolles.

Et le compte de Mme Ledoux payé, elle eut l’indélicatesse et la brutalité de faire ouvrir les malles de cette pauvre femme, qui, depuis trente ans, la servait avec une scrupuleuse fidélité et un infatigable dévouement.

Mme Ledoux partie, la maison restait sans intendante, et la baronne, qui aimait à se lever tard, avait perdu l’habitude de cette surveillance active qui s’étend aux plus petits détails. Il fallait donc remplacer Mme Ledoux, mais il répugnait à Mme de Fougerolles de confier les clés de l’office et de la lingerie à une inconnue. Un compromis donna satisfaction à la fois à son désir et à son inquiétude. Mlle du Rosier se chargea provisoirement des fonctions de Mme Ledoux, et Mme de Fougerolles déclara bien haut qu’elle chercherait une personne qui fût digne de sa confiance. Seulement il était sous-entendu que le provisoire de Mlle du Rosier durerait éternellement, et que Mme de Fougerolles chercherait toujours, sans la trouver jamais, cette personne qu’elle devait mettre à la tête de sa maison. L’économie ne fut pas d’ailleurs le seul bénéfice que Mme de Fougerolles