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le royaume sarde ? Le cabinet de Turin ne peut même accepter comme accommodement l’acte récent de l’Autriche, puisque ce serait infirmer d’une autre manière le droit qu’ont ses sujets de posséder en Lombardie et d’exercer toutes les prérogatives attachées à la propriété. Le Piémont n’usera point sans doute de représailles ; il conservera l’attitude de modération qu’il a prise. Cela suffit cependant pour indiquer jusqu’où peut aller une telle question. Dans tous les cas, il est douteux qu’un rapprochement puisse avoir lieu entre les deux gouvernemens tant que les choses resteront en cet état. Et si un rapprochement ne se réalise pas, où est la solution de cette difficulté ? La question de séquestre reste malheureusement un des élémens de la situation de l’Italie, et elle peut devenir le germe de complications nouvelles, si un esprit d’équité et de conciliation ne parvient à triompher des préventions accumulées.

Telle est d’ailleurs la désolante condition de cet illustre et malheureux pays, qu’il n’y a que le choix entre les genres de troubles et de périls. En ce moment même, le duché de Parme est livré à une agitation qui jette un jour sinistre sur la situation politique et morale de cette contrée. Ce n’est point une insurrection, ce n’est point un soulèvement populaire arborant un drapeau ; c’est une série d’assassinats qui vont frapper dans l’ombre des fonctionnaires de l’état. Quant aux auteurs de ces meurtres, qu’on n’a pu jusqu’ici ni prévenir ni déjouer, ils disparaissent aussitôt, on ne les retrouve plus, la police est impuissante, et alors il faut recourir à des mesures générales qui frappent tout le monde. C’est ce qui arrive aujourd’hui. Une des premières victimes de cette funeste passion d’homicide, on peut s’en souvenir, a été le dernier duc régnant ; mais l’assassinat s’est organisé en quelque sorte depuis un mouvement révolutionnaire qui eut lieu en 1854, et qui fut promptement réprimé. Les auteurs de ce mouvement furent pris, jugés et condamnés ; quelques-uns furent exécutés : c’est à la suite de cette exécution que la vengeance d’obscurs sicaires s’est acharnée contre les membres du tribunal appelé à prononcer la sentence. Le meurtre au surplus n’épargne pas d’autres personnes : en peu de temps, quatre ou cinq assassinats de ce genre ont été commis. Deux des plus récens sont ceux du comte Magawly-Cerati et de M. Gaetano Bordi. On est allé même jusqu’à annoncer d’avance que l’un des ministres devait être une des premières victimes. Quelle ressource invoquer contre de tels crimes, lorsque la police ordinaire ne peut rien ? On a proclamé l’état de siège. Or l’état de siège en Italie, ce n’est pas peu de chose. Il suffit de résister à un agent de la force publique, de répandre ou d’afficher un écrit révolutionnaire, d’être pris dans un tumulte, pour être fusillé. L’introduction dans le duché de livres ou de journaux favorables à la révolution est punie des travaux forcés. La simple possession d’objets de ce genre, sans permission de l’autorité, est passible de la réclusion. Il s’ensuit que la population paisible est terrifiée, et par les crimes qui se commettent, et par les répressions auxquelles ils donnent lieu. Ici en outre surgit un autre danger. La régente, en d’autres circonstances, a refusé le concours des forces autrichiennes ; elle est obligée de le subir cette fois, et c’est le général autrichien commandant la forteresse de Plaisance qui est chargé de l’administration de l’état de siège à Parme, de sorte que ce sont en réalité les troupes impériales qui occupent les duchés. C’est en-