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tout l’architecture et la sculpture françaises tiennent, depuis le XIIIe siècle, un rang que l’Italie elle-même n’a pas toujours su prendre ou conserver. Nous ne manquons certes ni de critiques ni d’archéologues tout prêts à discuter des dates, à disserter sur l’âge d’un édifice ou sur le caractère de ses restaurations successives. Par malheur, des travaux de ce genre n’intéressent guère que ceux qui savent déjà à demi ou quelques érudits de profession chez lesquels le dévouement à la science n’exclut pas toujours certain espoir de rencontrer l’erreur sous la plume d’un de leurs confrères. La foule n’a rien à voir en tout cela. Elle laisse les initiés achever de s’instruire mutuellement ou controverser en quelque sorte à huis-clos, et, faute d’explication à sa portée, elle néglige en toute sécurité de conscience les réalités les plus propres à solliciter son attention. La photographie peut nous donner d’autres habitudes et nous inspirer des convictions que le plus savant commentaire réussirait difficilement à répandre. Il n’est besoin ni d’expérience technique, ni de très profondes réflexions pour comprendre le genre de beautés qu’elle tend à populariser. Un peu de goût et de clairvoyance suffit, car de tous les arts l’architecture est le moins équivoque, le moins indéfini dans la forme et dans l’intention. Et comme l’architecture française en particulier garde à presque toutes les époques le caractère de la raison, comme elle exprime même dans la magnificence une sorte de fantaisie judicieuse, il faut espérer que la représentation vulgaire de ses chefs-d’œuvre triomphera sans peine de notre indifférence, et que nous n’hésiterons plus à reconnaître le mérite qui leur est propre aussi bien que leur valeur relative.

La photographie, très insuffisante en face de la nature, des tableaux et des dessins, partout enfin où l’exactitude matérielle doit s’allier à l’expression d’un sentiment, — la photographie, on le voit, a une importance et une utilité incontestables dans les cas où le fait seul doit être surpris et consigné ; Il semblerait dès-lors que des gravures, c’est-à-dire des formes irrévocablement définies, pussent, aussi bien que des monumens ou des statues, être impunément soumises à ce mode de transcription. Bien plus : certaines imperfections résultant de la différence des proportions ou de la nature des matériaux employés par l’architecture et par la statuaire certaines modifications inévitables du coloris ne paraissent pas à redouter ici. L’épreuve sera d’une dimension égale à la dimension de l’épreuve originale ; les deux seuls tons dont le burin dispose appartiennent aussi à la photographie. Il n’y aura donc, il ne devrait y avoir du moins, aucune dissemblance entre les copies et les modèles. D’où vient pourtant que cette dissemblance existe de manière à frapper les yeux les moins clairvoyans ? La faute en est-elle tout