Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/622

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

bon gré mal gré compter avec elle et examiner les questions qu’elle soulève en regard des principes qu’elle met en cause.

Avant d’entrer dans cette période de développement continu et de fécondité un peu indiscrète, la photographie a eu d’ailleurs bien des obstacles matériels à surmonter, bien des déceptions à subir, bien des phases d’insuccès ou de perfectionnemens douteux à traverser. Ainsi le temps n’est pas encore loin où l’on désespérait presque de donner au papier une sensibilité égale, à la sensibilité des plaques préparées suivant la méthode de Daguerre, et l’on put d’abord regarder comme à peu près stériles les efforts pour multiplier par le tirage les épreuves d’une planche unique. Nous ne remonterons pas à cette époque de tâtonnemens et de mécomptes. Les origines de la photographie sur papier, ces hésitations et ses premiers progrès ont eu ici même leur historien il y a quelques années[1]. Il lui appartenait de déterminer la valeur scientifique des procédés alors en usage, et pour être jugés en tant que conquêtes de la physique ou de la chimie, les perfectionnemens qui ont suivi réclameraient aujourd’hui encore une plume habituée à traiter de pareilles questions. La seule tâche qui puisse nous convenir est d’apprécier les produits photographiques en les rapprochant des produits de la gravure. Nous nous bornerons donc, pour l’intelligence même du sujet, à enregistrer quelques faits, quelques détails techniques indispensables, et nous indiquerons en peu de mots les moyens actuellement employés avant de proposer notre opinion sur les œuvres et de comparer les résultats.

On se rappelle que les premières recherches photographiques ont eu pour objet la reproduction de la réalité, non sur le métal, mais sur le papier. Dès le commencement du siècle, le célèbre Davy avait fait quelques expériences en ce sens. D’autres tentatives plus ou moins heureuses eurent lieu ensuite en France et en Angleterre, et il est reconnu maintenant que les travaux de MM. Niepce, Talbot et Bayard sont antérieurs à la publication des procédés de Daguerre. Néanmoins, au moment où ces procédés furent divulgués, on ne s’enquit ni des essais qui avaient précédé, ni des résultats déjà obtenus par d’autres moyens. Tout l’honneur de l’invention fut attribué à un seul homme, un seul nom conquit la popularité et personnifia la science nouvelle : c’était justice. Daguerre venait de dévoiler pleinement ce que l’on n’avait fait qu’entrevoir avant lui : il avait pu compter plus d’un compétiteur, mais il demeurait désormais sans rival, et ceux-là mêmes qui s’étaient efforcés de le devancer dans la voie des découvertes s’inclinèrent des premiers devant ses légitimes

  1. Voyez, dans le n° du 1er octobre 1848, Histoire et Progrès de la Photographie.