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Les opérations de cette nature faites par la Banque de France et le Comptoir d’escompte peuvent donc être considérées comme un détournement des ressources du crédit commercial. Ce crédit a pour objet la circulation des capitaux de roulement, la multiplication de leurs évolutions productives. Le crédit public, qui popularise les emprunts d’état, le crédit commanditaire, qui crée les valeurs industrielles, ne doivent s’adresser qu’aux capitaux qui cherchent des placemens fixes. Nous avons vu que les tentatives par lesquelles le crédit public et le crédit commanditaire distrairaient de leur emploi naturel une portion des capitaux de roulement pourraient amener des perturbations douloureuses pour le crédit commercial. Or, en prêtant sur dépôts de titres, la Banque et le Comptoir d’escompte ne font qu’encourager les tentations qui attirent les capitaux disponibles vers certains placemens fixes, et faciliter la pente qui écarte les fonds de roulement de leur emploi le plus naturel et le plus utile aux intérêts de la production.

Ces considérations sur la hiérarchie des fonctions du crédit étaient une transition naturelle entre les institutions de crédit commercial que nous venons d’étudier et les autres établissemens financiers dont nous aurons à nous occuper dans la suite. Les conclusions qui en ressortent doivent plus que jamais être présentes à la pensée des administrateurs des établissemens de crédit commercial dans la phase que la paix ouvre aujourd’hui aux affaires. Les circonstances exceptionnelles qui ont pu motiver certaines déviations de la Banque de France et du Comptoir d’escompte vont faire place à une situation régulière, qu’il faut se garder de compromettre par des infractions permanentes aux lois du crédit commercial. Pour ce qui concerne en particulier le Comptoir d’escompte, nous espérons qu’il trouvera dans les projets qu’il annonce le moyen de concilier les principes avec les facilités de prêt que lui permettent ses statuts. Il se propose en effet de prêter sur connaissement. On sait que le connaissement est la lettre de voiture qui annonce et certifie la marchandise au moment où elle est chargée sur le navire qui doit la conduire du port d’expédition au lieu de sa destination. Le prêt sur connaissement est depuis longtemps pratiqué par le commerce anglais. Il est surtout utile pour les branches du commerce qui agissent sur des marchandises soumises à une longue navigation. Le négociant français qui achète un chargement en Amérique ou dans l’Inde est obligé d’attendre l’arrivée du navire qui lui apporte sa marchandise, c’est-à-dire pendant des semaines et des mois, avant de pouvoir recouvrer la disponibilité de son capital. Le négociant anglais au contraire, dès qu’il a reçu le connaissement de sa marchandise, trouve à emprunter sur ce titre, et l’activité de son capital n’est plus