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les opérations à terme se soldent par un bénéfice ou une perte, représentés par la différence entre le prix auquel on achète et le prix auquel on vend la valeur sur laquelle on spécule, il s’est formé une classe de spéculateurs qui vendent à terme des valeurs qu’ils ne possèdent pas, et achètent à terme des valeurs qu’ils ne seraient point en état de payer, ne faisant entrer dans leurs calculs que la différence qui existera entre le prix des valeurs au moment où ils opèrent sur elles et le prix qu’auront les mêmes valeurs au terme des opérations. C’est dans ces données, c’est sur le jeu aux différences que s’exerce à la Bourse la spéculation à terme et à découvert sur les valeurs publiques et industrielles.

Telle qu’elle est, malgré ses excès, ses périls et ses mauvaises influences morales, cette spéculation peut être regardée comme utile, en ce sens qu’elle sert, par ses excitations, à appeler vers les fonds publics et la commandite des grandes industries les capitaux de placement, et qu’elle tend à élever le prix des rentes et des valeurs. C’est en s’appliquant à ce dernier objet que la spéculation à la hausse donne naissance à une opération qui équivaut au prêt sur dépôt de titres, au report, dont nous aurons à examiner une autre fois la nature et l’influence. Il n’y a rien à redire à cette spéculation, tant qu’elle ne demande les ressources de crédit dont elle a besoin qu’à la classe des capitaux qui, une fois le service du crédit commercial assuré, restent disponibles pour les placemens fixes ; mais son utilité cesse au moment où elle vient faire à l’industrie et au commerce une concurrence onéreuse sur le marché du crédit, où elle vient disputer et restreindre les ressources nécessaires au capital de roulement de la production.


Nous croyons en avoir assez dit aujourd’hui pour montrer le danger des confusions d’attributions auxquelles sont entraînés chez nous, depuis quelques années, les établissemens publics de crédit commercial. Il est évident que c’est méconnaître la véritable destination de ces établissemens que de les faire concourir aux prêts sur valeurs publiques et industrielles. La circulation de ces valeurs ne réclame d’autres opérations que celles qui résultent du rapport existant entre la quantité des titres à vendre et l’importance des capitaux qui recherchent des placemens fixes, opérations qui se résolvent par la vente au prix déterminé par le rapport entre l’offre et la demande. Dans les temps réguliers, c’est la spéculation seule qui crée le besoin d’emprunter sur ces valeurs et donne lieu aux opérations de prêt. En prêtant sur dépôts de titres, la Banque de France et le Comptoir d’escompte font en quelque sorte des reports à long terme, et donnent indirectement leur concours à la spéculation.