Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/578

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

s’écouler ses produits le courant de numéraire dont il a besoin ; pour lui, l’argent se resserre et devient rare, et il est obligé, pour s’en procurer, ou de vendre ses produits à perte, ou de réaliser chèrement d’autres ressources que ses produits : tel est le resserrement du numéraire à l’intérieur ; il résulte d’interruptions, d’engorgemens, de dérivations momentanées dans les canaux par lesquels s’opère la circulation du numéraire entre la consommation et les diverses branches du commerce et de l’industrie. L’action de la rareté du numéraire est plus facile à saisir encore dans le commerce extérieur, car elle s’y traduit par l’exportation des métaux précieux. Lorsqu’il y a eu excès de production dans un pays, ses débouchés se fermant à l’excès de ses produits, ce pays ne peut plus payer en produits exportés toutes les marchandises premières qu’il a importées ; le change, comme on dit, tourne contre lui, et il est obligé de payer en métaux précieux le solde de ses importations. De même, s’il y a eu insuffisance de récolte, s’il faut acheter des denrées alimentaires à l’étranger, on ne peut pas balancer par des exportations de produits cette importation extraordinaire, et il faut l’acquitter en argent et en or. Au dedans engorgement ou perturbation dans la circulation, au dehors exportation de métaux précieux, voilà les faits qui accompagnent le resserrement du numéraire et qui sont le résultat de la rupture de l’équilibre entre la production et la consommation. Or les banques, étant les grands entrepôts du numéraire et des métaux précieux, sont les premiers établissemens qui ressentent l’influence de ces faits. C’est dans leurs caisses que l’on vient chercher le numéraire nécessaire pour parer aux engorgemens et aux dérivations momentanées de la circulation intérieure ; c’est dans leurs caisses qu’on vient puiser l’argent et l’or indispensables pour acquitter le prix des denrées importées extraordinairement de l’étranger. Leurs caisses sont donc le baromètre des facultés de la consommation, de même que leurs portefeuilles sont le baromètre du développement donné à la production. Quand leur encaisse augmente, c’est signe que l’équilibre se rétablit ou se maintient entre la production et la consommation ; quand il diminue, c’est signe que le niveau tend à s’altérer. Pour conserver leur propre solvabilité, les banques sont obligées de prêter une attention sérieuse à ces avertissemens et d’agir en conséquence. Lorsque la proportion normale entre leurs encaisses et leurs engagemens exigibles est dépassée par ceux-ci, les banques élèvent le prix du crédit, et en agissant ainsi elles transmettent à la production l’avertissement ou le secours nécessité par les difficultés passagères de la consommation, difficultés dont elles ressentent elles-mêmes les premiers et infaillibles symptômes.