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qui lui sont étrangères par leur nature et qu’il est impossible d’amener sous son action directe. Trompé enfin sur le rôle des institutions de crédit qui reçoivent et distribuent les capitaux avec lesquels travaillent la production et le commerce, on se figure que ces institutions ont la puissance de créer le capital, dont elles ne sont que les intermédiaires, et l’on pense avoir le droit d’attendre d’elles d’inépuisables ressources et des services gratuits.

Si l’on entend ranger sous la même expression générique toute opération qui transfère le capital disponible des mains du capitaliste qui ne pourrait ou ne saurait l’employer lui-même aux mains de ceux qui en ont besoin ou qui peuvent l’utiliser au profit de la production, toute opération en un mot qui transmet et distribue le capital aux besoins et aux services, le nom de crédit est sans doute applicable aux diverses combinaisons que nous venons d’énumérer ; mais ces combinaisons correspondent à des emplois différens du capital transmis, elles déterminent par cette diversité d’emploi trois modes distincts de crédit : le crédit commercial, le crédit commanditaire et le prêt. Il faut se rendre compte de la nature propre de ces diverses formes de crédit pour avoir une idée claire de l’influence qu’elles peuvent avoir les unes sur les autres, et mesurer la limite où la puissance du crédit vient expirer.

Commençons par la première, le crédit commercial.

On sait quelle est la part du capital dans le phénomène de la production. Le capital est la somme des avances que la production est en mesure de faire au travail. Ce qu’une marchandise coûte à produire, ce sont les salaires qu’il faut payer aux travailleurs jusqu’à l’achèvement et à la vente du produit ; à ces frais indispensables de la production s’ajoutent ensuite le profit moyen que doit en retirer la direction de l’entreprise et le loyer du capital qui a fait l’avance de ces frais. Il est évident en effet qu’il n’y aurait pas d’intérêt à organiser et à diriger une production et à faire les avances qui lui sont nécessaires, si l’initiative du travail dirigeant et si la formation, la conservation et l’application du capital n’étaient point encouragés par une rémunération légitime. On sait aussi que les avances que le travail demande au capital dans le phénomène de la production se divisent en deux parts, suivant les conditions de la production elle-même. Une part de ces avances s’applique à l’appropriation des agens naturels dont le travail humain met en œuvre la puissance productrice. Ce sont, dans une exploitation agricole, les avances nécessaires pour acquérir la propriété de la terre, la défricher et la mettre en état de produire, — dans une entreprise industrielle, les avances nécessaires à l’établissement et à l’outillage de l’usine, à l’acquisition des instrumens de travail. Ces avances constituent le capital fixe de la production. À ce capital, qui met le travail humain en état de développer