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Le prêt sur marchandises n’est point une opération qui nous effarouche en elle-même. Que le fabricant ou le négociant qui ne veut pas ou ne peut pas vendre sa marchandise cherche et trouvé Un prêteur qui vienne à son aide, rien en soi de plus naturel et de jplus légitime ; mais l’on devrait abandonner une telle opération au calcul et à la hardiesse des intérêts privés. Que les banquiers et les capitalistes placent leur argent comme bon leur semble, c’est leur droit. S’ils assument des risques, leur responsabilité tout entière est au bout, et garantit la sécurité des tiers à leurs propres dépens ; mais une société anonyme, étant affranchie par privilège des responsabilités commerciales les plus sévères, doit être contenue dans les strictes limites de l’objet pour lequel elle a été créée.

La seconde raison qui nous ferait regretter les déviations du Comptoir d’escompte, c’est l’importance de l’objet pour lequel il a été fondé, la dispensation du crédit comme intermédiaire entre le commerce et la Banque de France. Le crédit commercial est un ressort si puissant et si utile, que nous déplorons comme une faute tout ce qui tend à le dénaturer et par conséquent à le compromettre. Or cette tendance existe aujourd’hui dans les affaires par suite de la confusion, que beaucoup de gens commettent et propagent par calcul ou par ignorance, entre le crédit commercial et d’autres combinaisons qui prennent aussi le nom du crédit. Il nous semble donc opportun, avant de quitter les deux établissemens de crédit commercial dont nous avons exposé la destination et les services généraux, de bien marquer la nature de cette forme de crédit et d’établir les caractères qui la distinguent des autres applications des capitaux avec lesquelles elle est confondue par une certaine classe de spéculateurs et par la masse des observateurs irréfléchis.


IV

Dans le langage ordinaire, on comprend sous le terme général de crédit des choses très diverses et des fonctions économiques essentiellement distinctes. On donne le nom de crédit au concours des capitaux qui viennent aider, en les commanditant, à la création de nouvelles entreprises. On étend la même dénomination aux emprunts par lesquels les gouvernemens, au moyen de la constitution de rentes perpétuelles, subviennent à leurs besoins extraordinaires. On applique le même terme aux prêts hypothécaires faits à la propriété foncière et aux avances fournies sur dépôt de titres aux détenteurs de rentes d’état ou d’actions et obligations industrielles. Abusé ensuite par l’identité du mot, on se croit autorisé à demander à la forme la plus active et la plus parfaite du crédit, le crédit commercial, de prêter la féconde influence de son mécanisme à des combinaisons