Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/549

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vés et les plus généraux dont elle est l’organe ; ce serait se tromper que d’y voir une précaution inutile et vexatoire dictée par une prudence avare et pusillanime. L’effet de commerce est ou doit être l’expression d’une opération commerciale, de la vente et de l’achat d’une marchandise. Les deux premières signatures représentent les deux parties directement intéressées dans cette transaction, l’acheteur et le vendeur. C’est le vendeur qui, en acceptant l’effet en paiement de sa marchandise, crée le crédit particulier déterminé par l’effet. En escomptant cet effet, une banque publique le retire de la circulation, l’y remplace par une somme équivalente de ses billets, et généralise ainsi le crédit particulier que l’effet représente. Accepter l’effet de commerce à deux signatures, le prendre directement des mains du vendeur, ce serait accorder aux deux agens intéressés de l’échange, celui qui achète et celui qui vend, le droit et le pouvoir de mettre à la charge du crédit général tous les crédits particuliers qu’il leur plairait de créer. Les abus d’une pareille prérogative ne pourraient être prévenus que par un contrôle minutieux et sévère, exercé sur la moralité et la solvabilité des deux premiers signataires, sur la sincérité de l’effet, sur la réalité de l’opération commerciale qui aurait donné naissance à chaque effet et à chaque crédit particulier déterminé. Une banque publique ne pourrait négliger un pareil contrôle sans compromettre le crédit général, qui a pour gage la solidité des crédits particuliers, et elle ne pourrait l’exercer efficacement qu’en se noyant dans des détails et s’accablant de soins qui paralyseraient son action. Il y a donc la une fonction, un service que réclament les intérêts de la solidarité commerciale et du crédit général, et que les banques publiques ne sont pourtant point en état de remplir ; elles s’en déchargent par la condition de la troisième signature. C’est au troisième signataire que cette fonction est dévolue. C’est lui qui, en acceptant la solidarité des engagemens représentés par l’effet de commerce, a dû vérifier la réalité de la transaction qui a motivé la création de ce titre de crédit, c’est lui qui apprécie la confiance commerciale due aux deux parties entre lesquelles a eu lieu cette transaction, c’est lui qui constate l’aptitude de l’effet à entrer dans la circulation et à participer à la solidarité du crédit général. Ainsi, au moyen de la troisième signature, non-seulement les banques augmentent les garanties de la solidité du gage sur lequel repose leur crédit, mais elles circonscrivent, au profit de l’accélération de leur travail et de l’activité des affaires, le champ où doivent utilement et efficacement s’exercer leur surveillance et leur contrôle.

Le producteur et le négociant, après la vente à crédit de leur marchandise, ne peuvent donc pas s’adresser directement à la Banque :