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dans ce recueil par mon habile confrère M. Louis Reybaud ; mais ce serait une revue sans fin, et je dois me borner à des généralités. Contrairement à quelques-uns de ces écrivains, sir William Hamilton définit la logique la science des lois formelles, non du raisonnement, mais de la pensée. Cependant, malgré cette définition, qui semble reculer les limites de la science, il entend la réduire tellement à ce qu’on pourrait appeler une procédure de la raison, qu’il ne souffre pas que le logicien s’avise d’aucune question intéressant la vérité ou la fausseté des propositions ou des conclusions du raisonnement, et il cherche querelle à Aristote pour avoir réuni ses catégories à l’Organon et traité de la modalité des propositions et syllogismes, c’est-à-dire de la distinction entre les propositions et syllogismes nécessaires et contingens, vrais et faux, etc. C’est, au jugement de sir William, confondre la métaphysique avec la logique, et celle-ci doit sévèrement s’abstenir de passer de la forme au fond de la pensée. C’est, selon nous, exiger un effort d’abstraction bien difficile, et qui, si l’on pouvait tenir la gageure de le pousser jusqu’au bout, attirerait sur le logicien une partie des reproches qu’on adresse avec exagération aux scolastiques, accusés en général d’avoir enseigné l’art d’être raisonneur et non pas raisonnable. Nous aurions grand’peine à tenir pour complet un traité de logique où l’on n’examinerait aucunement quel est le légitime emploi du raisonnement et à quelles conditions il est, non pas régulier, mais valable, quels sont enfin les rapports de la dialectique avec la vérité. Je vais plus loin, on ne saurait, si l’on ne veut s’exposer à des objections de sens commun fort embarrassantes, donner la théorie du syllogisme sans traiter de l’invention des principes et des règles de la définition, je parle de principes justes et de définition légitime, car à quoi bon chercher le secret de poser de faux principes et l’art de mal définir ? Et je ne crois pas possible de rien dire de satisfaisant sur ce double sujet, si l’on ne sort pas de l’étroite sphère des formes logiques, pour s’enquérir un peu de la matière des propositions et du raisonnement, et pour empiéter ou paraître empiéter sur le terrain de la métaphysique et de la psychologie. Après tout, la logique a été trouvée dans l’esprit humain, et par là elle est d’origine psychologique. Les lois de la pensée ont pour but d’obtenir la connaissance des choses, et par là elles offrent un objet d’études qui confine à la métaphysique. Comme il existe une certaine correspondance entre la réalité extérieure et la raison humaine, on ne saurait guère étudier ou décrire la seconde sans au moins paraître observer la première, et c’est pourquoi les mots d’existence, d’essence, de genre, d’espèce, se retrouvent forcément dans la logique, quoiqu’on s’y prescrive de les prendre abstraitement et en dehors de toute vue ontologique.