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et l’autre le début d’une théorie de cette association, ou en général du pouvoir de reproduction dont l’esprit est doué. Voilà malheureusement douze ans que les quatre premières pages de cette dernière note sont seules imprimées, et ce desideratum est le seul défaut d’une édition de Reid, à laquelle sir William Hamilton est parvenu à donner le mérite d’un ouvrage original.


VI

On doit entrevoir dans cette esquisse que, tout détachés que sont les fragmens où il a consigné ses vues, les questions qu’il traite sont d’un tel ordre et offrent entre elles une telle liaison, que la série de ses solutions peut former un système de philosophie élémentaire d’après les principes de l’école écossaise. La manière de l’auteur est assez scientifique pour qu’on pût réunir par un fil continu toutes les parties séparées de sa doctrine. Cependant on donnerait de son mérite philosophique une idée incomplète, et certainement on lui ferait une injustice dont il ne manquerait pas de se plaindre si l’on ne mentionnait encore d’autres travaux dans lesquels il ne s’est trouvé sur le chemin ni de Reid ni de Stewart. Je ne veux parler ni d’un excellent essai sur l’étude des mathématiques, ni de ses différens articles qui intéressent l’histoire de la littérature et des sciences, ni enfin de ses travaux importans sur l’éducation publique et la réforme des universités anglaises ; mais n’oublions pas qu’il est professeur de logique. La logique est tenue dans l’enseignement fort séparée de la philosophie morale, et quoique Reid ait fait pour lord Kames une analyse de l’Organon d’Aristote, travail qui paraissait intéressant il y a quarante ans et qu’aujourd’hui, grâce à M. Barthélémy Saint-Hilaire, nous trouvons superficiel, ce n’est point à l’école de Reid que sir William a puisé ses vues sur cette partie curieuse de la science de l’entendement humain. Il est par la nature de son esprit singulièrement propre à l’exposer et à l’approfondir. Parmi les preuves qu’il donne d’une étude sérieuse de toutes les philosophies, on distingue une connaissance peu commune des scolastiques et surtout du maître des scolastiques, peut-être le sien. S’il est en effet un chef d’école dont il aime à invoquer l’autorité et dont il se soit particulièrement approprié la pensée, c’est Aristote, et il l’avoue même une fois, c’est pour lui le prince des philosophes. Aussi ne néglige-t-il aucune occasion de le citer ; il l’entend comme il faut l’entendre, et il l’a maintes fois vengé, en restituant ses pensées et ses expressions, des injures dont la philosophie moderne, enhardie par les brutalités de Bacon et les dédains de Descartes, a trop longtemps chargé le précepteur d’Alexandre.