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y a faites, a rendu un grand service à la philosophie. Ses notes et ses dissertations supplémentaires ne peuvent désormais être séparées des monumens authentiques de la philosophie écossaise. Ainsi Reid avait répété qu’il dirigeait ses recherches d’après les principes du sens commun, et par suite on a souvent en Allemagne tenté d’établir un antagonisme entre le sens commun et la science. Sir William Hamilton, dans un premier mémoire, accepte pour sa doctrine le titre de philosophie du sens commun ; mais il détermine avec soin la signification et la valeur de cette expression, surtout il prouve que pour qui ne tombe pas dans le cercle vicieux des pyrrhoniens, l’argument du sens commun est parfaitement valable, irréfragable même, et peut s’élever à la valeur d’un principe scientifique. Dans une revue très intéressante de tous les philosophes connus, ou même peu connus, il montre sous combien de formes diverses les lois générales de la croyance humaine ont été acceptées pour les meilleurs titres de tout savoir et de toute vérité. De même Reid, en donnant une théorie généralement juste de la perception, a vu dans l’invention des images intermédiaires un si grand danger pour la raison, qu’il a nié l’existence de toute connaissance représentative, au point de donner, ou peu s’en faut, la même définition de la perception et de la mémoire. Dans deux dissertations consécutives, sir William reprend l’analyse des opérations de l’âme ; il arrive à distinguer une connaissance immédiate ou présentative, et une connaissance médiate ou représentative. Dans la première, l’objet connu et l’objet existant ne sont qu’un seul et même objet ; la perception externe est intuitive aussi bien que la perception interne ou la conscience du moi, et l’on ne peut soutenir que l’objet donné par le souvenir ne soit ou ne puisse pas être différent de l’objet réel dont la perception s’est gravée dans la mémoire. Toutes ces distinctions sont négligées par Reid, et cependant elles paraissent fondamentales à son commentateur. La perception, selon lui, n’est pas une conclusion tirée, par une sorte de raisonnement aveugle qu’on appelle instinct, d’une sensation qui la précède. La sensation est par un côté, par celui du dehors, une affection externe ; par le côté du dedans, c’est l’opération interne par laquelle nous avons connaissance de cette affection, ou nous nous sentons sentir. La perception est l’objet perçu. L’objet est perçu dans certaines de ses qualités qui en sont les véritables qualités primaires ; les secondaires sont données par la sensation. Je ne fais qu’énoncer brièvement ces idées que l’auteur développe avec une exactitude subtile et méthodique, et c’est dans l’analyse qui les justifie qu’en résident toute la force et tout le prix. Cette suite de recherches aboutit à deux notes ou mémoires, dont l’un est une histoire des opinions touchant le principe de l’association des idées,