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à la vérité, parce que la perversité humaine s’était chargée d’en soutenir la cause et prenait le nom du bien pour faire le mal.

Quand Dugald Stewart, après avoir, tout jeune encore, suppléé son père dans l’enseignement des mathématiques, fut appelé à remplacer temporairement Ferguson, adjoint aux négociateurs qu’on envoyait aux Américains (1778), son éloquence académique avait donné à l’enseignement un éclat inattendu, et quelques années après, titulaire de la chaire de philosophie, il étendit au loin la réputation de l’école d’Édimbourg, célèbre surtout jusque-là par ses cours de médecine, et qui devait principalement sa réputation aux proches parens de Reid, les deux docteurs Gregory. L’élégance exquise, la richesse d’idées, la variété de connaissances, la facilité brillante de Stewart propageaient à la fois le renom de la philosophie et de l’université. Des diverses parties de la Grande-Bretagne on accourut à ce foyer de lumières modernes, et de jeunes seigneurs se pressèrent autour de l’habile et aimable professeur. On l’entendit donner avec un égal succès des leçons sur les sujets les plus divers, et d’excellens écrits, auxquels ils ne manque pour être placés très haut qu’un certain degré d’originalité, étendirent jusqu’en Europe la popularité de son talent et de ses idées.

Alors surtout il se forma à Édimbourg un esprit général qui fit de cette ville un centre d’instruction variée, de conversations intéressantes, de publications remarquables. Les sociétés savantes s’y multiplièrent ; la Société royale, émule de celle de Londres (1783), la Société de physique (1788), l’Institution philosophique, les sociétés dialectique (1787), spéculative, éclectique, d’autres encore prirent naissance, et la capitale de l’Écosse acquit quelques droits au titre un peu affecté qu’on lui donne de temps en temps, celui de l’Athènes du nord.

Après la première période de la révolution française, des familles considérables de l’Angleterre, attirées par la réputation littéraire de l’Écosse et cherchant sans doute pour la jeunesse des établissemens d’éducation où le contre-coup des luttes politiques se fît moins sentir que dans les deux universités de Cambridge et d’Oxford, choisirent celle d’Édimbourg pour y placer les jeunes gens dont l’avenir les intéressait. Le continent même, Genève du moins, envoya des auditeurs à Stewart et à Playfair. Tout s’anima peu à peu dans ce monde tout intellectuel. Parmi les jeunes gens de distinction qui vinrent compléter leur éducation à Édimbourg, on cite le fils de Dunning, mort avec le titre de lord Ashburton, l’héritier du comte de Warwick, enfin lord Palmerston et son frère, qui avaient été confiés à la direction de Dugald Stewart lui-même. Sans avoir de tels liens avec ce maître accompli, un jeune homme dont le nom seul inspire l’affection et le respect fréquentait sa maison et suivait