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l’université de Saint-André par l’influence de Buchanan ; mais rien n’indique que l’esprit de Bacon eût passé la frontière du nord, et la première fois qu’on entendit parler de la révolution scientifique du siècle, ce fut à propos de Newton. Avant même 1688, les principes du nouveau système du monde pénétrèrent dans les universités écossaises, et on en trouve la preuve dans une thèse d’un des premiers membres de cette famille Gregory dont les deux branches devaient s’illustrer de génération en génération, l’une dans les mathématiques, l’autre dans la médecine. C’est la première qui ouvrit la marche. David Gregory eut, dit-on, vingt-neuf enfans, et tous ceux qui survécurent, même les filles, étaient versés dans la géométrie. L’aîné devint professeur d’astronomie à l’université d’Oxford, tandis que les autres se succédèrent dans les chaires de mathématiques de Saint-André, d’Aberdeen et d’Edimbourg ; aussi Whiston, qui fut longtemps l’ami et le suppléant de Newton, a-t-il écrit que le système de la gravitation universelle fut compris et professé en Écosse avant de l’être en Angleterre.

C’est donc par les sciences exactes et par la physique générale que les universités du nord commencèrent à se faire connaître. Je ne doute pas que ce début n’ait influé sur leurs destinées et contribué à faire naître plus tard dans leur sein l’idée de modeler la philosophie morale sur la philosophie naturelle. C’était d’ailleurs, on le remarquera, l’idée commune de Bacon et de Newton, et elle est juste en ce sens que l’observation est, comme méthode, également nécessaire à toutes les connaissances humaines. Il faut d’ailleurs remarquer qu’aucun professeur de quelque mérite n’était alors cloîtré dans la spécialité d’un seul enseignement. L’étude du grec était assez générale, et aussi nécessaire à celui qui commentait Euclide qu’à celui qui interprétait Sophocle. Dans plusieurs collèges, les mathématiques étaient unies à la philosophie. Celle-ci comprenait assez constamment la physique, et le même professeur exposait, suivant les idées du temps, les lois du monde et celles de l’esprit humain. Nous verrons, jusqu’à des époques assez récentes, les professeurs se suppléer entre eux pour les humanités et pour les sciences. Les uns avaient d’ordinaire suivi les cours des autres, et ils échangeaient en quelque sorte leurs leçons. De là une certaine généralité d’idées et de travaux qui est devenue trop rare en devenant plus difficile. Rattachée étroitement à la méthode commune des sciences, la métaphysique même s’est fondée sur l’expérience. Ceux qui y ont excellé étaient en même temps hellénistes et mathématiciens. C’était une raison de plus pour que leur doctrine se dégageât de toute pédanterie technique et donnât naissance à la moins scolastique des philosophies.

L’enseignement philosophique cependant était encore dans les uni-