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pousser des créations ou des progrès dont l’intérêt ou l’amour-propre de ses membres aurait à souffrir ; mais des protecteurs haut placés, des bienfaiteurs accidentels ont des inspirations heureuses et même d’utiles fantaisies, et, pour cette cause ou pour une autre, les universités écossaises ont successivement agrandi leurs cadres. Chacune contient un ou plusieurs collèges qui tantôt ont leurs professeurs particuliers, tantôt réunissent leurs étudians sous des maîtres communs, et cette fusion, maintenant à peu près générale, a toujours été regardée comme un progrès. Ces établissemens d’ailleurs jouissent d’une certaine indépendance et se gouvernent à peu près eux-mêmes, quoiqu’ils se donnent ordinairement pour chef nominal, sous le titre de chancelier, quelque grand personnage, tel que le duc d’Argyll, le comte d’Aberdeen ou le duc de Richmond. Le recteur et les membres du sénat académique, quelquefois avec une certaine participation du conseil de ville, surveillent et administrent. Les diverses parties de l’enseignement, ou, comme nous disons, les différentes facultés sont représentées dans ces institutions, souvent, il est vrai, d’une manière peu systématique, et nos divisions académiques n’y sont pas strictement observées. Le droit, la médecine et la théologie ont seuls le privilège de créer des docteurs.

Il ne faut pas remonter à Scot Érigène, ni même à Duns Scot, pour établir la renommée des philosophes écossais. Leur science, que, sous le nom de sagesse hibernienne, Alcuin faisait admirer à Charlemagne, s’est maintenue en grand crédit dans tout le moyen âge, et encore après la renaissance, le témoignage d’Érasme et de Scaliger soutient leur réputation d’excellens scolastiques. L’Écosse envoyait au XVIe siècle et au commencement du XVIIe siècle professeurs de logique aux universités du continent. Balfour et Duncan, qui enseignaient dans l’ouest de la France, ont ravi les suffrages de leurs contemporains, et l’Institutio logica du dernier est fort louée par les meilleurs juges. « Je ne la puis placer trop haut, » dit sir William Hamilton. On peut supposer que pendant tout le cours de la révolution les études philosophiques languirent quelque peu, il y eut même de mauvais jours pour l’enseignement. Les exclusions républicaines et plus encore les réactions monarchiques portèrent le trouble dans les universités, et les presbytériens n’étaient en faveur ni auprès de Cromwell ni dans l’esprit de lord Clarendon. Aucun nom justement célèbre ne brille dans cette obscurité de plus d’un demi-siècle, et le temps où l’Angleterre voyait naître Locke et Newton était comparativement stérile en Écosse. Burnet, quoique né à Édimbourg, appartient presque tout entier à l’église d’Angleterre, et doit compter dans la politique plutôt que dans les lettres. En Écosse, la langue vulgaire ne s’écrivait pas, et l’anglais n’avait pas encore supplanté le latin. On sait que la philosophie de Ramus s’était introduite dans