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REVUE. — CHRONIQUE.

ni un philosophe, ni un politique, ni même le créateur d’une épopée nouvelle, quand i ! ne serait qu’un simple poète écrivant des vers pleins d’harmonie, n’a-t-il pas dit lui-même un jour que ce qu’on faisait pour les lettres, on le faisait pour la patrie ?

Marchese.



Zeitschrift fur Deutsche Mythologie und Sittenkunde (la Mythologie, les Traditions et les Coutumes populaires de l’Allemagne), heransgegeben von J.-W. Wolf[1]. — Il fut un temps où tout ce qui était légende faisait fureur parmi nous. C’était une passion de lire Trilby. Nous eussions donné les dieux grecs et la guerre de Troie pour une saga d’Islande. Cette mode nous a passé. En cela comme en beaucoup d’autres choses, un engouement trop vif nous a conduits à une indifférence injuste. Ce serait pourtant, même à l’heure présente, une mine à exploiter que nos traditions populaires, mais il faudrait se hâter. Encore quelques années, et les locomotives, qui vont vite en besogne, auront balayé le peu qui reste de nos vieilles mœurs. L’Allemagne n’a pas cessé au contraire d’exploiter la mine des traditions populaires. Un recueil mythologique y existe depuis deux ans, et il prospère. M. Wolf et ses collaborateurs, parmi lesquels on remarque Jacob et Wilhelm Grimm, se sont mis vaillamment à l’œuvre. Leur principe a été de ne rien négliger, pas même un simple mot de patois provincial, lorsqu’il faisait allusion à quelque usage perdu, ou lorsqu’il rappelait de près ou de loin les anciennes croyances germaniques. Leur méthode a été d’accueillir et d’enregistrer les documens, quels qu’ils fussent et de quelque pays qu’ils vinssent, à mesure qu’ils se produisaient. Tandis qu’ils consultaient la tradition orale, ils relisaient Bollandus et les écrivains arabes, le Talmud et les livres de l’Inde, pour en tirer des points de rapprochement avec les coutumes et les mythes nationaux. Ce sont de telles rencontres qui nous séduisent, parce que ces débris de superstitions ou de croyances primitives qu’on retrouve en tout lieu, parcelles dispersées d’un trésor de symboles et d’idées autrefois commun à l’humanité, attestent dans la variété des races l’identité des origines : témoignage d’autant plus sûr qu’il est plus naïf. Aussi est-il beaucoup de questions débattues entre les savans qu’on réussirait peut-être à résoudre par un parallèle attentif entre des légendes d’époques diverses. Quelle part revient à l’imagination populaire dans l’élaboration des grandes épopées nationales telles que l’Iliade ou les Niebelungen ? Dans quelles proportions et de quelle manière le paganisme expirant s’est-il d’abord mêlé au culte chrétien ? Voilà des problèmes d’un intérêt général que les matériaux rassemblés par M. Wolf contribueront certainement à éclaircir. On peut d’ailleurs, sans s’élancer vers les sommets de l’érudition, apprendre quantité de choses curieuses avec ce recueil mythologique, car c’est encore s’instruire et s’initier d’un degré de plus aux mœurs d’un peuple que de voir par ses légendes de quelle façon il entend et traite le merveilleux. Ce qui domine dans les provinces riveraines de la Baltique et de la Mer du Nord, ce sont les souvenirs des mythes nébuleux de la Germanie barbare. Le chasseur est

  1. Recueil périodique publié à Gœttingue.