Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/431

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

représentées dans la chambre comme les principaux sièges épiscopaux, sans hérédité. Un autre enfin serait de créer pour les juges des pairies viagères, comme on l’avait voulu faire pour lord Wensleydale; mais ces nominations, au lieu d’être faites par la seule prérogative de la couronne, le seraient par un acte du parlement, qui en même temps en limiterait le nombre. Dans tous les cas, et quel que soit le système adopté, il reste un fait acquis : c’est la réforme de la juridiction des lords, qui était devenue un scandale et un sujet d’animadversion publique.

Si nous nous sommes occupé de cette question qui peut sembler exclusivement anglaise, c’est qu’elle nous a paru présenter de l’intérêt pour tous les pays où l’on s’occupe d’études constitutionnelles. On peut apprendre, par ce qui vient de se passer en Angleterre, comment se maintiennent et se perpétuent les institutions, même les plus compliquées. On a vu la couronne et la chambre des lords s’arrêter au moment où le conflit allait devenir dangereux, et chercher d’un commun accord un terrain de transaction. Ce qui n’est pas moins frappant et moins instructif, c’est de voir la chambre des communes s’abstenir de toute intervention dans le débat. Cette réserve a été si complètement observée, qu’un membre de la chambre ayant essayé l’autre jour de soulever la question, il ne s’est trouvé personne ni pour l’appuyer, ni pour lui répondre, et sa motion est tombée dans l’eau au milieu des rires.

Il n’y a rien de plus vrai que le vieil axiome : quid leges sine moribus? Un pays qui ne tient ni à ses institutions ni à son gouvernement trouve toujours, quand il le veut, un article quatorze ou un texte douteux sur le droit d’aller et de venir, ou de se réunir, ou de manger sur la place publique, en un mot un prétexte quelconque pour faire une révolution en vingt-quatre heures. Des droits politiques ne peuvent pas être absolus, et quand on les fait chauffer comme des machines à vapeur jusqu’à leur dernière puissance, on est sûr de les faire sauter; mais quand les lois reposent sur les mœurs, toutes les classes sont intéressées à les préserver, non-seulement de toute violence extérieure, mais encore de leurs propres excès. Les forces diverses et variées à l’infini qui composent un peuple libre, au lieu de s’entre-détruire et de s’entre-dévorer, cherchent à grandir et à se développer ensemble en respectant leurs mutuelles limites, et c’est ainsi que des institutions véritablement nationales descendent d’âge en âge jusqu’à la postérité la plus reculée.


JOHN LEMOINNE.