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de rester unies, qu’elles représentent spécialement les principes d’ordre, d’autorité, de conservation, et que, par le temps qui court et avec les idées qui soufflent dans l’air, il n’est pas bon pour les pouvoirs établis de donner l’exemple des luttes intestines. Nous voulons montrer comment le ton de la discussion change subitement, car c’est un vrai coup de théâtre.

La motion de lord Lyndhurst avait encore à passer par une épreuve. Quand la chambre se réunit de nouveau, lord Granville vint déclarer que le gouvernement avait résolu de ne pas résister plus longtemps au vœu évident de la majorité, et il ajouta : « Je ne dirai pas un seul mot de plus, ni pour justifier la conduite du gouvernement ni pour attaquer la décision de la chambre; mais vous devez comprendre l’extrême difficulté de notre position. D’un côté, sa majesté a été assurée qu’elle avait le droit d’exercer sa prérogative; de l’autre côté, la chambre, sur l’avis des principaux interprètes de la loi, a déclaré que la prérogative royale avait été dépassée. Tout ce que je puis affirmer au nom du gouvernement de sa majesté, c’est que si on lui donne le temps nécessaire, il cherchera une solution avec un esprit exempt de toute passion, et il espère que la chambre sera dans les mêmes dispositions. » A son tour, lord Derby s’empressa de protester de la bonne volonté de la majorité, et il ajouta : « On voudra bien reconnaître que la chambre s’est trouvée dans une position où elle n’avait pas d’alternative. Le débat lui a été imposé par un acte irréfléchi du gouvernement... (Ici lord Granville interrompit l’orateur pour dire : Ne parlons pas du passé.) Nous n’avions pas cherché le conflit, nous y avons été entraînés. La sanction de ce premier acte aurait établi le droit pour toujours; nous étions forcés de choisir entre les droits de la chambre et la prérogative de la couronne; nous n’avions pas d’alternative... Maintenant, je puis donner au gouvernement, en mon nom et au nom de mes amis, l’assurance que nous sommes prêts à chercher une solution avec le plus entier dégagement de tout esprit de parti. »

La couronne avait capitulé, ce fut le tour de la pairie. Les lords comprenaient bien qu’ils n’avaient pas remporté une victoire gratuite; l’hérédité était sauvée, mais la cour d’appel restait sur le terrain. Quand la question de prérogative eut été écartée, celle de l’insuffisance judiciaire de la chambre resta seule en évidence, et l’on se trouva ainsi reporté à l’origine du différend. La position n’était pas défendable, et les lords n’essayèrent même pas de la défendre; ce fut lord Derby lui-même qui proposa la nomination d’un comité pour examiner la manière dont l’élément judiciaire de la chambre pourrait être amélioré et fortifié.

Plusieurs systèmes sont en présence. L’un consisterait à rétablir la cour suprême telle qu’elle était autrefois, en appelant les juges à siéger dans la chambre et à rendre des arrêts en son nom, mais sans prendre part aux fonctions législatives. Un autre serait de créer un banc des juges, comme il y a déjà un banc des évêques; les principales cours de justice seraient ainsi