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Anglais de vous montrer la constitution de son pays, il vous répondra : « Ce n’est pas dans un livre; c’est la tradition, c’est la coutume. C’est l’usage tel qu’il est pratiqué depuis plusieurs siècles, et particulièrement depuis 1688, qui est l’époque à laquelle les grands principes constitutionnels ont été établis et réglés en dernier lieu. »

Ces courtes observations ne seront peut-être point sans utilité pour faciliter l’intelligence de la discussion engagée dans la chambre des lords; autrement on pourrait s’étonner de voir les premiers jurisconsultes et les premiers hommes politiques de l’Angleterre ne faire remonter qu’à trois cents ans l’origine de cette constitution, qui s’est constamment développée avec l’histoire. Tout ce qu’ils veulent dire, c’est que l’usage établi sans exception depuis trois cents ans est virtuellement devenu la loi constitutionnelle, et que toute dérogation à cet usage, même pour retourner à un usage antérieur, doit être sanctionnée par tous les pouvoirs ensemble pour être constitutionnelle. C’est pourquoi lord Lyndhurst disait :

« Le point que j’entreprends d’établir, c’est qu’il n’y a dans l’histoire de ce pays depuis quatre cents ans aucun exemple d’un particulier élevé à la pairie à titre viager. Quiconque a étudié notre constitution et les principes sur lesquels elle est fondée doit savoir qu’un de ces principes est le long usage, lex et consuetudo parliamenti. C’est là une des bases de notre constitution. Retourner au-delà de quatre cents ans pour rechercher trois, ou quatre, ou six exemples dans lesquels la couronne a ainsi usé de sa prérogative, avant que la constitution fût formée, avant qu’elle eût reçu une forme régulière, et prendre ces précédens pour base d’un changement dans la composition d’une des chambres du parlement, c’est ce que je prétends être une violation flagrante des principes de la constitution...

« Ces précédens remontent à une époque où la constitution n’était ni comprise ni formée. Il n’y en a pas un seul depuis le règne de Charles Ier, où la constitution commença à revêtir une forme distincte, ni depuis l’époque de la révolution, où elle prit sa forme définitive…

« Quelles seront les conséquences de cette création de pairies viagères? Vous les verrez se renouveler de temps en temps, vous finirez par vous y habituer, et un jour cette chambre se trouvera divisée en deux catégories : celle des pairs héréditaires et celle des pairs à vie. Une des grandes barrières mises à la création illimitée de nouveaux pairs, c’est l’hérédité. Personne n’oserait aujourd’hui abuser de cette prérogative; mais si on laisse maintenant nommer à des pairies viagères quelques légistes, qui empêchera plus tard un ministre sans scrupule, nous en avons eu et nous pouvons en avoir encore, d’user de ce précédent pour en abuser? On dira qu’il ne faut pas se priver d’une chose utile dans la seule crainte qu’on n’en abuse. Je n’accepte pas cet argument, et je dis qu’il ne faut concéder aucun privilège susceptible d’abus, à moins qu’un intérêt supérieur ne l’exige...

« Milords, dans nos relations avec nos alliés, nous sommes-nous donc