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qui est la chambre elle-même, et a le droit d’y siéger; mais en fait pas un seul, en dehors des lords Jurisconsultes, qu’on appelle law lords, ne se permet jamais de se mêler ni aux débats ni au jugement. La cour se trouve donc réduite à quatre ou trois, ou seulement deux juges, habituellement très avancés en âge; mais comme elle est censée représenter la chambre, on lui adjoint chaque jour deux lords laïques, ainsi qu’on les appelle, qui siègent successivement, par rotation. Les séances se tiennent pendant le jour; les appelans viennent plaider devant deux ou trois majestueuses perruques, et les lords laïques prennent un livre, ou dorment, ou se promènent, mais jamais ne s’occupent de ce qui se passe. Si la cause dure plus d’une séance, les deux lords supplémentaires n’en sont pas moins remplacés le lendemain par deux autres qui ne savent pas de quoi il s’agit. Voilà la manière dont s’administre la justice à son degré le plus élevé.

Il y a longtemps déjà que cet état de la cour suprême est l’objet des plaintes les plus vives, et cependant l’empire de la chose établie est si fort dans ce pays, qu’aucun gouvernement n’osait toucher aux privilèges de la chambre des lords. Il y a quelques années seulement, on avait distrait de la juridiction d’appel des lords les cours ecclésiastiques, les colonies et l’Inde, pour les transférer au conseil privé.

En ce moment donc, les appels en dernier ressort sont décidés par deux ou trois juges. Il n’y a actuellement dans la chambre haute que cinq lords légistes : lord Lyndhurst, qui a quatre-vingt-quatre ans; lord Brougham, qui en a soixante-dix-neuf; lord Campbell, qui en a soixante-dix-huit; lord Saint-Léonard, qui est à peu près dans les mêmes conditions, et le lord chancelier, le plus jeune de tous, car il n’est pas encore septuagénaire. Il arrive donc quelquefois que les juges ne sont que deux à siéger, et s’ils ne sont pas d’accord, il n’y a pas de décision possible. Une autre anomalie, c’est qu’il y a quelquefois appel d’un juge siégeant dans sa cour au même juge siégeant dans la chambre des lords, et qu’en sa double capacité le chancelier, par exemple, se trouve avoir à confirmer ou à casser un arrêt qu’il avait rendu lui-même. Un autre inconvénient encore, c’est que la chambre des lords ne siège que la moitié de l’année, et que pendant l’autre moitié il n’y a pas de cour d’appel.

Il était devenu absolument nécessaire de remédier à ces abus, mais le remède n’était pas facile à trouver. Il fallait une infusion de sang nouveau, de sang étranger; mais pour renforcer l’élément judiciaire de la chambre, on ne pouvait prendre au dehors que des juges. Or les juges n’étaient pas assez riches pour créer une dynastie, et plus d’une fois on en avait vu refuser la pairie pour ne pas laisser à leurs descendans des honneurs trop lourds à porter.

Constituer aux nouveaux pairs des majorais aux frais de l’état, c’eût été s’engager dans une voie sans limites. Le trésor est déjà grevé de charges considérables de cette nature. Ainsi les lords chanceliers ont non-seulement