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C’en est fait ! dans un mois la terre me dévore…
Amenez-moi mon fils, que je l’embrasse encore! »

Horrible, horrible nuit! Dès la pointe du jour,
Son carrosse à grand bruit s’échappait de ma cour ;
Elle allait à Lo’-Christ, tout au bout du royaume.
Ses gens, lorsqu’elle entra, crurent voir un fantôme.
Aussitôt, rassemblant fermiers, hommes de loi,
Parens, elle met tout en ordre autour de soi ;
Puis, devant son cercueil ouvert, la pauvre femme,
Avec son confesseur, ne songe qu’à son âme…
Hervé, qui sanglotait hier dans le jardin,
M’apprit, le pauvre enfant, qu’il était orphelin…

Le récit achevé du prince de Soubise,
Le roi, que reflétait un miroir de Venise,
Pâlit; mais sa pâleur fixant sur lui les yeux,
Il vida, toujours calme, un verre de vin vieux,
Dit bonsoir de la main, puis entra dans sa chambre.
Neuf mois après (cela se passait en septembre),
Le roi voluptueux, ses jours étant finis.
Escorté d’un seul page, allait vers Saint-Denis.

V.

les quatre jéromes.

De la ferme de Ker-Gùze.


Le vénérable aïeul, selon le vœu du prêtre.
Put bénir les enfans de ses petits-enfans,
Et j’arrivai pour voir Jérôme Quatre naître.

Chaume patriarcal ! humbles et nobles gens !
Le repas fut joyeux, et grave la prière…
Seigneur, un tel abri pour ma saison dernière !

La nuit, quand tout dormait, l’âtre silencieux
Versait dans la maison une lueur de fête ;
Hors du lit clos, la mère, en inclinant la tête,
Sur le cher nouveau-né fixait longtemps les yeux.

Et moi j’observais tout, ému, non curieux ;
J’écoutais le grillon chanter, léger prophète ;
Et ces vers qu’aujourd’hui je formule, poète,
Dans mon cœur s’amassaient, calmes, mystérieux.


A. Brizeux