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« Et qu’il me soit ici permis de rendre justice à l’infatigable dévouement de la petite, mais notre troupe des chirurgiens turcs, si mal payés et si mal traités. Je ne veux pas dire que leur instruction fût égale à celle de leurs confrères de l’Occident ; mais leur attachement à la profession, leur zèle industrieux pour les blessés turcs ou russes qui encombraient nos hôpitaux, et en face des difficultés les plus terribles (difficultés que peuvent seuls connaître ceux qui ont soutenu un siège dans une ville d’Asie), n’ont jamais été surpassés. C’est un fait incontestable que les médecins turcs, peu nombreux et imparfaitement instruits comme ils sont, tiennent la tête de la civilisation dans leur pays. Parmi eux, nous trouverez des hommes dont l’ouverture d’esprit et l’absence; de tout fanatisme feraient honneur à tout nation sur la terre. » Ce qu’il dit des médecins, l’auteur le dit aussi des élèves qui ont été formés dans les écoles de Constantinople, des militaires qui ont été instruits par des officiers européens. Il a retrouvé chez tous un sentiment d’ l’honneur et du devoir, une indépendance des préjugés populaires, qu’ils avaient puisés dans le commerce des hommes de l’Occident, et qui n’étaient pas moins profonds dans leur esprit que chez les élèves de Galata-Seraï, quoiqu’ils fussent comme eux mal traités, mal payés, sacrifiés en toute occasion aux créatures des grands, aux favoris des pachas en crédit. En citant ce jugement du docteur Sandwith sur les heureux fruits qu’a produits l’éducation donnée aux Turcs par des Européens, je n’ajoute pas sans satisfaction que le plus grand nombre de ces officiers et de ces professeurs sont des Français. Il en est deux surtout dont les noms devraient être au moins pour quelque temps sauvés de l’oubli, car ils ont fait le sacrifice de leur vie à la cause qu’ils étaient venus servir en Orient : le chef de bataillon d’Anglars, qui avait formé l’infanterie turque, et qui est mort commandant de place à Kamesh, et le colonel Magnan, professeur à l’école d’état-major de Constantinople, qui est tombé couvert de blessures à la tête des colonnes d’assaut de la division Dulac, dans la glorieuse journée du 8 septembre 1855.


IV.

Reste enfin la Russie. La Russie entre-t-elle dans les conférences avec le désir de se prêter à l’œuvre de la pacification? Cela est probable, et l’on peut attribuer cette résolution de sa part à plusieurs motifs, pris chacun dans un ordre de faits différens, mais qui ont chacun aussi une valeur réelle.

Le premier, c’est l’espérance d’arriver à dissoudre un jour l’alliance anglo-française, dont la puissance l’écrase. On peut compter qu’elle n’y (épargnera aucun moyen, et dès le premier jour elle a montré qu’elle les emploierait tous, jusqu’aux plus petits. C’est ainsi