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III.

Ce n’est pas l’Autriche certainement qui mettra des entraves à l’œuvre de paix; nous pouvons au contraire compter sur toute sa bonne volonté. La paix, c’est son titre devant la grande famille européenne : le concours qu’elle a toujours prêté aux négociations, c’est l’honneur qu’elle s’est fait dans la crise que nous venons de traverser; moralement et matériellement, il lui importe autant qu’à personne que ces négociations aboutissent. D’ailleurs la paix lui apporte des profits certains qu’elle aura acquis sans tirer l’épée, et de plus la paix l’aidera à sortir de la fausse position où les événemens l’ont placée. Il y a des esprits raffinés qui font profession d’admirer l’habileté que l’Autriche a montrée dans cette grande guerre qu’elle n’a pas faite, mais nous ne savons si dans le secret de sa conscience l’Autriche se croit aussi digne d’être admirée que ces beaux esprits nous la représentent. La neutralisation de la Mer-Noire et le nouveau régime auquel sera soumise la navigation du Danube ne compensent probablement pas à ses yeux le préjudice moral que lui a causé l’ambiguïté du rôle auquel elle s’était condamnée, et sans doute elle regrette profondément les révélations fâcheuses que certaines circonstances l’ont forcée de faire sur plusieurs des questions d’où dépend sa considération dans le monde. Ainsi il est certainement d’une bonne politique à l’Autriche et il est honorable pour elle de ne pas séparer sa cause de celle de l’Allemagne; quel échec cependant de voir toutes ses propositions à la diète qu’elle préside inévitablement rejetées, dénaturées, ou adoptées quand elles n’avaient plus de sens, comme cela s’est toujours vu depuis deux ans! Quelle cause d’affaiblissement que cette lutte perpétuelle avec la Prusse pour ce qu’on appelle au-delà du Rhin l’hégémonie, c’est-à-dire la prépondérance en Allemagne, surtout lorsque cette lutte aboutit, grâce au merveilleux travail des hommes d’état de Bamberg, à évincer les deux parties, à annuler toute la confédération ! Quelle dure nécessité d’en être réduit à invoquer sa détresse financière pour chercher à se justifier de n’avoir pas tenu les engagemens contractés au traité du 2 décembre! Peu de temps après l’emprunt de 1,200 millions, avouer qu’on n’est pas plus avancé et trouver créance pour une si triste allégation; se mettre dans une position si fausse que, lors de la dernière réduction de son armée, ce que les amis de l’Autriche avaient inventé de mieux à dire, c’était qu’elle désarmait pour être plus redoutable! — tout cela a été pénible pour l’Autriche, et a fait ressortir d’une manière trop évidente les vices d’une position, hélas! très embarrassée. C’est surtout en