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continuent à se reproduire périodiquement à Lyon et à Marseille, l’influence restrictive qu’elles avaient sur le crédit et sur les conditions de l’escompte est aujourd’hui annulée[1].

Entre les faits que nous venons de signaler, et qui résultent des accidens de la circulation des espèces à l’intérieur du pays, et les circonstances exceptionnelles telles que les mauvaises récoltes qui nécessitent de grands déplacemens accidentels de métaux précieux d’un pays à l’autre, il n’y a que la différence du petit au grand. La nature des choses étant identique dans les deux cas, les moyens d’obvier au mal sont les mêmes, et il est évident que les banques sont appelées à faire en grand pour la circulation internationale des métaux précieux ce qu’elles font habituellement pour la circulation intérieure du numéraire. Il faut qu’elles soient toujours en mesure de fournir au commerce le numéraire qu’il a besoin d’exporter, sans restreindre le crédit nécessaire à ses opérations. L’expérience et le raisonnement démontrent que le problème ainsi posé n’est point insoluble.

La Banque d’Angleterre en 1845, la Banque de France en 1847, se sont déjà trouvées pour les mêmes causes, de grandes exportations d’or occasionnées par des récoltes insuffisantes, dans des situations analogues aux circonstances actuelles. En 1845, la Banque d’Angleterre ne pouvait arrêter ni par l’élévation de l’intérêt, ni par les restrictions de l’escompte, l’écoulement de ses lingots. Impuissante à les empêcher de sortir, elle fut forcée de chercher à les remplacer et d’en acquérir d’autres. Elle s’adressa à la Banque de France, qui n’était point sous le coup d’une pression pareille. Elle déposa à la Banque de France li millions sterling de consolidés anglais qui devaient servir de garantie à l’émission de 100 millions de francs de traites sur Paris fournies par la maison Baring; ces traites, escomptées par la Banque de France, furent converties en numéraire. A l’échéance de trois mois, la moitié de cet emprunt fut soldée, l’autre moitié renouvelée sous la même forme, et trois mois après la Banque d’Angleterre pouvait s’acquitter entièrement; une période de six mois avait suffi pour rétablir le niveau de la circulation métallique en Angleterre, et l’emprunt contracté momentanément par la banque avait épargné au commerce anglais un funeste resserrement du crédit. En 1847, c’était la Banque de France qui se trouvait dans le même embarras. Son encaisse s’était abaissé à 57 millions, malgré

  1. Nous empruntons ces intéressans détails à deux lettres publiées au mois de novembre dernier dans le Sémaphore par un des plus intelligens banquiers de Marseille, M. Léon Gay. La crise monétaire, les mesures restrictives de la Banque de France et les critiques qu’elles ont soulevées étaient discutées dans ces lettres avec une netteté lumineuse et un grand sens pratique.