Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/340

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

prorata des sommes présentées, quelques fortes maisons de banque absorbaient à elles seules, par le chiffre écrasant de leurs présentations, le maximum établi par la banque. Ce système restrictif eût entraîné chaque année à Lyon une crise violente, l’industrie lyonnaise eût été dans l’impuissance d’acheter ses matières premières en Italie, si elle n’avait trouvé dans la Banque de France, représentée par son comptoir de Saint-Etienne, un appui plus libéral et plus intelligent. La succursale de Saint-Étienne maintenait, il est vrai, l’intérêt à un taux plus élevé que la banque de Lyon : elle escomptait à 4 pour 100; mais à ce prix elle admettait les effets présentés par le commerce lyonnais, et lui fournissait sans limite l’approvisionnement d’espèces dont il avait besoin pour acheter les soies brutes d’Italie. Quelques mois plus tard, Lyon réexpédiait ces soies à l’étranger sous forme de tissus, et rendait avec usure au pays le numéraire dont il l’avait un instant dégarni. A Marseille, les paiemens à faire en Italie, en Espagne, en Algérie, dans le Levant, amenaient aussi chaque année des besoins périodiques d’argent. L’encaisse de la banque de Marseille s’épuisait alors avec rapidité; mais cette banque, mieux Inspirée que celle de Lyon, n’enrayait pas les escomptes. D’un côté, elle élevait progressivement l’intérêt à 4 1/2 et 5 pour 100; de l’autre, elle s’imposait des sacrifices pour acquérir le numéraire nécessaire à l’exportation. Sa ressource était de se procurer du papier sur Paris et de le réescompter à la Banque de France ou au comptoir le plus voisin, celui de Montpellier, contre des espèces qu’elle faisait diriger sur Marseille. Une fois cependant cette ressource lui manqua; elle avait épuisé tout le papier que le commerce local pouvait fournir sur Paris; il fallait, ou arrêter brusquement les escomptes, et livrer la place à une crise formidable, ou trouver un moyen immédiat de remplacer le numéraire enlevé par l’exportation. On conjura la crise par l’expédient suivant : le papier sur Paris dont on avait besoin pour faire de l’argent manquait, on en créa; des crédits considérables sur des maisons de Paris furent ouverts, sous la garantie vie la banque, à des banquiers de Marseille; ces banquiers émirent des traites à trois mois et les portèrent à la banque locale, qui put se procurer du numéraire en les versant dans le portefeuille de la Banque de France ou de ses succursales. Pendant les trois mois qui s’écoulèrent avant l’échéance des valeurs émises, les espèces reparurent, le commerce fournit en abondance des valeurs régulières sur Paris, et la banque de Marseille se trouva sans peine en mesure de faire face à ses échéances. L’organisation actuelle de la Banque de France met à sa charge les mouvemens d’espèces qui occasionnaient ces crises locales, et quoique ces mêmes phénomènes