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Si cependant les causes qui nous obligeaient a exporter du numéraire n’eussent agi qu’en France, la Banque eût pu faire face à cette exportation, sans recourir à une élévation d’intérêt trop rigoureuse pour le commerce. Une exportation de numéraire motivée par l’insuffisance d’une récolte a une limite déterminée par le chiffre du déficit qu’il s’agit de combler dans les approvisionnemens. On peut donc prévoir à peu près la somme qui sera nécessaire pour solder une importation extraordinaire de céréales. On sait également que l’exportation du numéraire n’est qu’un déplacement momentané de métaux précieux, et que le mouvement régulier du commerce ramène dans un temps donné et par mille canaux les métaux précieux ainsi déplacés. Les choses se passent en définitive dans le commerce du monde comme dans le commerce intérieur d’un pays. En France, par exemple, chaque année certains achats effectués à certaines époques, à la suite de la tonte des laines, de la récolte des soies, etc., exigent le transport et l’accumulation sur certains points du territoire de sommes considérables en monnaie : ces sommes, une fois distribuées par les acheteurs des produits, sont rendues par les producteurs, devenus acheteurs à leur tour, aux divers canaux de la circulation, et reviennent à leur point de départ. Ces grands transports d’espèces, à de certaines saisons, dans de certaines localités, donnaient lieu sur quelques places de commerce, avant la création des banques, à des alternatives d’abondance ou de rareté de l’argent, de hausse ou de baisse d’intérêt, outre les frais et les risques qu’ils imposaient au commerce. Ils sont faits aujourd’hui par la Banque sans qu’il en coûte rien au public, et sans que l’uniformité du taux de l’intérêt en soit altérée. La Banque, en prenant ainsi à son compte le service du transport des espèces, a effacé le change entre les villes desservies par ses succursales, et a supprimé à l’intérieur les crises monétaires locales.

Avant la fusion qui a réuni nos anciennes banques indépendantes de province à la Banque de France, ces crises monétaires locales se produisaient aussi périodiquement, sous l’influence d’accidens du commerce extérieur analogues à ce qui se passe sur une plus grande échelle après une mauvaise récolte. A Lyon, par exemple, chaque année, aux mois de mai et de juin, il faut envoyer de l’argent en Italie pour acheter les soies brutes. À cette époque, voici ce qui arrivait autrefois. La banque de Lyon maintenait le taux de l’intérêt, qu’elle avait fixé invariablement à 3 pour 100, mais elle cessait pour ainsi dire d’escompter. Elle établissait chaque jour un maximum des sommes à escompter, arrivait à n’admettre que 100,000 francs sur des bordereaux de 4 ou 5 millions, et comme les admissions avaient lieu au