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vicissitudes inhérentes à la production et au commerce ne permettent point qu’il en soit ainsi. Ceci nous conduit à la crise que le crédit a éprouvée en France à la fin de l’année dernière et aux mesures par lesquelles la Banque de France a réagi contre cette crise.


IV.

Le 29 mars 1855, les réserves métalliques de la Banque et des succursales s’élevaient à la somme de 451 millions. Trois mois plus tard, le 11 juillet, les encaisses avaient diminué de 141 millions ; ils étaient à 310. Ils descendirent à 288 millions le 9 septembre, et à 232 le 11 octobre. Ils étaient le 14 février dernier à 214 millions.

Au moment où la Banque commença à s’apercevoir de cette tendance prononcée du numéraire à émigrer de ses réserves, elle dut naturellement songer à en prévenir les conséquences. Fallait-il attendre que la désertion du numéraire s’arrêtât d’elle-même ? Mais quand et où s’arrêterait-elle ? Et si le mouvement qui avait enlevé 141 millions en trois mois continuait pendant quelque temps avec la même énergie, n’y avait-il pas à craindre qu’il n’épuisât totalement la réserve de la Banque ? Les hommes qui dirigent la Banque de France eurent donc deux devoirs à remplir : aviser à se procurer de l’or et de l’argent pour combler les lacunes de leur réserve ; tenir l’œil ouvert sur les causes qui pouvaient rendre continue cette exportation de numéraire, sur la situation du commerce et la situation du crédit.

La première cause de l’exportation du numéraire, celle qui se faisait particulièrement sentir de mars à juillet se discernait aisément, c’était la guerre, la nécessité d’acheter au dehors les approvisionnemens et de payer en or la solde de notre armée. Cependant, tant que cette cause agissait seule, elle n’était pas de nature à prescrire à la Banque des mesures qui dussent réagir sur les conditions du crédit. La guerre même continuant, les sommes dépensées en Orient pour les approvisionnemens et la solde de nos troupes nous seraient revenues par les voies régulières du commerce : elles eussent servi en quelque sorte à féconder un marché, lequel, comme on l’a déjà vu l’année dernière par l’accroissement de notre commerce avec la Turquie, nous aurait promptement indemnisés de ces avances. Tout au plus la prudence eût-elle conseillé à la Banque de tirer du dehors de l’or et de l’argent, afin d’atténuer dans sa réserve ce déplacement d’espèces. C’est ce qu’elle fit du reste dès le mois de juillet.

Un fait d’une influence moins grave encore et moins durable, c’était l’exportation de nos écus de 5 francs, fondus en lingots, pour l’Inde