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économique, de porter enfin un jugement sur la conduite qu’elle a tenue pendant la crise que nous venons de traverser et sur les critiques récentes dont elle a été l’objet.


III.

Quand on s’est rendu compte de la fonction que les banques ont à remplir dans le jeu du crédit commercial, la première question qui se présenterait logiquement à l’esprit serait celle-ci : quelle est l’organisation des banques qui répond le mieux au développement du crédit ? Faut-il laisser les banques s’établir spontanément, suivant la libre impulsion des besoins du commerce et de l’esprit d’entreprise, comme on le voit dans certains états de l’Union américaine? Convient-il mieux, comme cela se pratique en Angleterre et en France, de prendre des précautions contre les excès de la liberté en matière de crédit, et de ne confier le maniement d’un instrument à la fois si puissant et si délicat qu’à de grandes corporations privilégiées? Nous nous contentons de poser ici ces questions, nous ne les discuterons pas. Théoriquement, la véritable solution n’en est pas douteuse : le régime de la liberté est le plus conforme aux principes économiques; mais dans la pratique, et sans parler des raisons politiques qui ont pu influer sur l’origine des banques privilégiées, le système de ces banques n’est point incompatible avec les intérêts du crédit; il peut, dirigé avec intelligence, en pleine lumière et sous le contrôle de l’opinion, se prêter à tous les progrès de l’industrie et du commerce. Les esprits les plus libéraux conviennent d’ailleurs que la banque est une des rares applications du commerce qui peuvent être exploitées aussi avantageusement par de grandes sociétés que par la libre concurrence des intérêts individuels. Le crédit a en effet un caractère si collectif, il est si naturellement l’expression de la solidarité commerciale, qu’il semble que, même sous le régime de la liberté dans un pays de centralisation comme le nôtre, il arriverait de lui seul à l’unité, et que l’assentiment général en remettrait la dispensation suprême à un établissement unique, comme un monopole légal l’a conféré chez nous à la Banque de France.

Ce n’est que depuis 1848 que la Banque de France répond véritablement au nom qu’elle porte. Elle avait été auparavant la banque de Paris plutôt que la banque de France. Depuis sa fondation (en 1800) jusqu’en 1836, elle n’avait fait le service de l’escompte que pour la place de Paris. Dans l’esprit de ses statuts, du 16 janvier 1808, elle devait créer des comptoirs dans les principales villes de France. C’est ce qu’elle fit pour les villes de Lyon et de Rouen en 1808 et de Lille en 1810; mais le défaut d’affaires l’obligea bientôt