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précieux et la monnaie rendaient bien possible l’échange entre toutes les marchandises ; mais tant que la vente était réduite au troc immédiat du produit contre le métal ou la monnaie, la production ne pouvait se livrera l’expansion indéfinie qui est en elle, la quantité des marchandises à produire était nécessairement limitée par la quantité de monnaie ou de métal qui devait leur servir d’intermédiaire. Pour pouvoir vendre, il fallait attendre que la circulation du numéraire eût ramené aux mains de l’acheteur la somme en monnaie équivalente du produit, ce qui ne pouvait se faire rapidement, puisque chaque transaction exigeait des déplacemens et des transports de monnaie. D’ailleurs, lors même qu’il eût été possible d’arriver à posséder une quantité de monnaie capable de suffire à l’expansion et à l’activité de la production, l’usage d’une si grande quantité de monnaie, outre les risques attachés au déplacement des métaux précieux, eût été encore pour la production une lourde charge, car les métaux précieux forment, par ce qu’ils coûtent à produire, un capital d’une grande valeur, et les employer sur une échelle aussi considérable uniquement comme intermédiaires d’échanges, c’eût été condamner ce capital à rester improductif. La vente à crédit représentée par l’effet de commerce résolut cette difficulté. L’effet de commerce ne prit pas la place de la monnaie, il ne lui enleva aucune de ses attributions ; la monnaie et les métaux précieux restèrent les dénominateurs de la valeur relative des produits : ils conservèrent leur propriété éminente, qu’ils garderont tant qu’ils ne seront pas remplacés par un produit plus beau, aussi divisible et moins altérable, la propriété d’être, entre les valeurs créées par l’industrie humaine, celle qui a le plus de puissance d’acquisition sur les autres. Seulement l’effet de commerce économisa et perfectionna l’usage de la monnaie. Toutes les ventes au comptant, qui embrassent particulièrement les ventes au détail, par lesquelles les produits arrivent à la consommation finale, continuèrent à se faire au moyen de la monnaie. Quant aux ventes à crédit, celles qui représentent les avances que la production est obligée de faire à la consommation et qui se règlent par des effets de commerce, la monnaie n’y joua presque plus qu’un rôle nominal ; elle y servit à l’estimation des prix au moment de l’émission des effets de commerce ; mais les dettes représentées par les effets, se compensant en grande partie les unes par les autres au moment des échéances, la monnaie ne fut plus nécessaire que pour payer des balances ; et ainsi purent s’accomplir sans entrave des échanges qui eussent exigé d’énormes sommes et de nombreux déplacemens de numéraire, et par conséquent l’existence et l’emploi improductif d’un capital immense, si l’or et l’argent eussent été obligés d’intervenir réellement à toutes