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pelle l’ornementation, présentent l’assemblage des deux genres, savoir : des pièces massives, enrichies de détails du travail le plus précieux. L’attention scrupuleuse qui a été donnée partout à la salubrité de tous les ateliers pourrait être qualifiée d’admirable, si ce n’était pas l’estime plutôt que l’admiration qui dût payer cette philanthropie si rare. Quand on voit un agent tout à fait scientifique, l’électricité, travaillant en silence, avec une activité infatigable, à la création comme à la décoration de tant de pièces métalliques, on se figure involontairement Diderot, le rédacteur des articles d’arts et métiers de l'Encyclopédie, visitant aujourd’hui un grand atelier de galvanoplastie, et jouissant du progrès provoqué par sa noble initiative d’il y a un siècle. Diderot aurait vu avec bonheur la galvanoplastie réaliser l’union de l’industrie avec les beaux-arts, qu’il comprenait si bien. Comme dans les palais de l’industrie, cet esprit si hardi, et si au-dessus des préjugés de son siècle, aurait applaudi à la réhabilitation, pour ainsi dire officielle, du travail, qui a inauguré la seconde moitié du présent siècle, en admettant aux mêmes distinctions, aux mêmes décorations, le mérite de l’ouvrier et le mérite guerrier. Si, à l’exemple des Grecs, nous prenons la décade de dix années pour l’unité de temps, car le siècle est trop long pour l’activité de la civilisation moderne, la présente décade, qui est la sixième du xixe siècle, et qui a vu les expositions de Londres et de Paris, et les récompenses honorifiques équitablement décernées à tous les travailleurs sans privilège autre que le mérite et sans égard à la routine des préjugés, la présente décade, disons-nous, occupera un rang distingué comme ayant réalisé un progrès moral et politique, de même que le travail avait, lui aussi, réalisé un progrès utilitaire et national. Quand on a été à la peine, on a le droit d’être à l’honneur !

À voir la facilité avec laquelle, sous l’influence électrique, les métaux se solidifient en vases, en statues, en ustensiles divers, et passent de l’état liquide du bain qui les contenait à la rigidité que la fonte seule leur donnait autrefois, on pense tout de suite à ces montagnes de sel qui, dans les marais salans de l’Aunis, se retirent à l’état solide des eaux toujours agitées de l’Océan. Là, l’évaporation fait ce que l’électricité fait dans la galvanoplastie ; seulement il est moins étonnant de voir les cristaux de sel solide apparaître quand l’eau les abandonne par sa volatilisation au travers de l’atmosphère que de suivre dans l’œuvre de l’électricité le dépôt métalliquement rigide exigé d’un réservoir qui ne perd rien par l’évaporation. Il y a deux ou trois décades d’années, on n’eût pas jugé possible de faire du cuivre, de l’or, de l’argent en masses compactes par des dépôts continus de particules pour ainsi dire précipitées une à une, et dont on ne pouvait attendre raisonnablement que du métal en grains, en poussière ou limaille impalpable, comme le donnent toutes les opérations chimiques.

En effet, si dans un laboratoire de chimie bien assorti en produits et en préparations, un flacon renfermant une poudre noire, terne, pulvérulente, porte l’étiquette charbon de bois, charbon de sucre, charbon de terre ou noir de fumée, vous replacerez ce flacon, qui ne dira rien de nouveau à votre curiosité ; mais le flacon d’à côté, renfermant une substance tout à fait semblable, également noire, terne et en poudre, portera l’étiquette argent ; un autre flacon, encore tout pareil, contiendra de l’or. De même le fer, le cuivre, le zinc, le plomb, l’étain et tous les métaux seront des poudres noires