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accourus. À la seule bataille de Ploiesti, ils ont tué quarante mille hommes à Michel, et ruiné par là une seconde fois dans ses fondations le nouvel état roumain.

III. — reconstitution. — système de défense militaire.

Quoi qu’il en soit, les bases de cet état ont été posées plus d’une fois avec gloire, et celui qui, étant né Roumain, voudrait se donner une patrie, ou celui qui, sans l’être, croirait utile de fonder un état moldo-valaque, parce qu’il penserait en avoir la puissance, devrait avoir souvent sous les yeux l’histoire d’Étienne et de Michel le Brave. Il en tirerait, je crois, les conclusions suivantes : que si les provinces danubiennes ont trouvé tant de difficultés à vivre, la cause en est un vice premier dans l’établissement de cet état, lorsque les Roumains du Bas-Danube se sont séparés des Roumains de la Transylvanie ; que dès-lors la force morale comme la force physique de la race roumaine a été partagée ou brisée. Incontestablement, si la Moldavie et la Valachie, déjà réunies par un vœu unanime, pouvaient, par un moyen quelconque, ne faire qu’un seul et même peuple avec le massif de la Transylvanie, la plupart des obstacles que l’on rencontre disparaîtraient : la nature, l’histoire, les traditions, la langue, tout se concilierait pour donner à l’établissement nouveau la consistance qui lui manque ; mais, cette union paraissant impossible aujourd’hui, il resterait à voir si la politique, l’art militaire moderne, ne présentent aucun moyen de corriger les inconvéniens d’une situation donnée.

Il est hors de doute que si la théorie pouvait devenir en un clin d’œil la pratique, si par un enchantement la puissance était donnée à un homme de fonder l’état roumain suivant les conditions de race et la nature des lieux, cet état comprendrait une partie du banat de Hongrie, la Transylvanie, la Bucovine, la Bessarabie, la Moldavie, la Valachie. Il serait entouré et gardé de tous côtés par la Theiss, le Maros, les Carpathes, le Dniester, la Mer Noire, le Danube ; il aurait une flotte à Ackerman, à Kilia. Dans ces conditions, ce serait un grand état de huit millions d’hommes, lequel n’aurait besoin du concours ou du moins de la protection de personne. Telles sont les bases que lui avaient données ses fondateurs, et que quelques grands hommes ont essayé de lui rendre ; mais de cet idéal d’un empire si nous descendons à la réalité, combien les choses sont différentes ! Des six provinces que je viens de nommer, les deux premières n’ont appartenu à l’état roumain qu’à la première origine, les deux autres lui ont été arrachées par violence ; les deux dernières seules forment aujourd’hui ses débris. C’est avec ces débris