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tristesse. Il ne découvre qu’un remède à cette perplexité morale, qui l’obsède comme un remords : ayant plus qu’il ne lui faut pour vivre, plus même qu’une saine économie ne lui conseille d’épargner (ce trait est tout hollandais), il se propose de donner une étincelle de son feu, une goutte de sa coupe, un morceau de son pain. Cette résolution le soulage, son âme et son cœur oppressés se relèvent. « — Il est tard, jeunes gens et jeunes filles ; il y a quelqu’un dans la rue, ouvrez. Qui tirera le premier le verrou de la porte ? C’est une pauvre mère dans la bise ; tremblante, elle pleure sur son enfant. » Cette bonne action achève de consoler le poète heureux. Son chant s’élève alors en actions de grâces vers la source de toute bénédiction. « Je te remercie, ô Dieu, s’écrie-t-il, de m’avoir enseigné cette voie pour apaiser mon trouble : vouloir et faire le bien, Seigneur, c’est travailler avec toi. » Le bon vieillard (Tollens a près de quatre-vingts ans) termine en concluant que la charité naît de la reconnaissance pour les biens dont nous jouissons, et que la piété bien entendue n’est pas autre chose que l’humanité. — Cette philosophie n’est pas nouvelle, mais elle est pratique, et elle donne une idée juste de la vie hollandaise.

Dans presque toutes les villes des Pays-Bas, il existe des maisons destinées à loger de pauvres familles, et que les diverses administrations religieuses cèdent pour rien aux membres souffrans de la communauté. À La Haye, la diaconie calviniste possède à elle seule cent vingt de ces maisons, qui sont plus ou moins groupées avec art. Ces cités ouvrières n’ont point la tristesse qui naît d’une sorte de casernement. Ici chaque ménage a sa maison, une joyeuse maison de briques, bien neuve, bien propre, bien ouverte, qui convie la lumière à entrer avec un air de fête. Entre ces maisons, qui se regardent les unes les autres, s’étend un carré de gazon qui réjouit l’œil, et sur lequel on fait sécher le linge. La même communauté protestante est sur le point d’ouvrir une boulangerie économique pour ses pauvres. Le bâtiment, qui n’est point achevé, a déjà des proportions considérables. Ainsi logée, nourrie, secourue par mille mains, la misère perd en Hollande ce caractère difforme qui afflige les sociétés modernes. Aux fenêtres des pensionnaires de la charité religieuse, on aperçoit des fleurs qui embaument, pour ainsi dire, d’un peu de joie et d’espérance l’atmosphère sinistre de la pauvreté. Nous ne voulons pas dire que la société hollandaise ne soit point chargée de maux et d’infortunes graves, mais on aime à reconnaître que le protestantisme a fait ici tout ce qu’il était permis de faire dans la voie de l’aumône pour éloigner les terribles problèmes qui soulèvent ou agitent d’autres nations.

Un peuple aussi fier que le peuple hollandais, et à juste droit, de son ancienne gloire maritime né devait point oublier les marins. J’ai