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III.

Un dernier groupe d’institutions a pour but le soulagement de l’âge mûr et de la vieillesse. Les différens cultes reconnus par l’état, et au sein de ces cultes les sectes, qui se divisent en plusieurs églises séparées, se chargent de l’entretien de leurs pauvres. Des abus se sont glissés plus d’une fois, il faut le reconnaître, dans cette administration sans unité. Il y a quelques années, M. Thorbecke, alors ministre, sans attaquer le principe constitutif de la charité hollandaise, voulut ramener le système des bonnes œuvres à une certaine régularité. Il lui semblait que l’état devait être appelé à exercer un contrôle sur les actes des communautés religieuses. Son projet de loi rencontra dans les mœurs une vive opposition. Il y eut de la part de toutes les administrations cléricales une levée de boucliers qui arrêta cette réforme, et le projet sombra plus tard avec le cabinet lui-même dans un orage suscité par les doctrines religieuses. Toute tentative contre le monopole des églises en matière de bienfaisance est regardée dans les Pays-Bas comme une atteinte à la liberté et comme un acte révolutionnaire. Un tel mot n’a rien de bien effrayant pour la France, qui doit tant à la révolution de 89 ; mais dans les pays où cette révolution n’a paru que sous les traits de la conquête, où elle a été masquée presque aussitôt par les violences du despotisme, on envisage autrement les faits. Les envahissemens de l’état sont considérés, quels qu’ils soient, comme autant de menaces pour les droits des citoyens.

Le culte des intérêts matériels, qui a étouffé depuis deux siècles la poésie et les arts dans la Néerlande, n’a point refroidi la charité ; seulement cette charité fuit la contrainte : c’est une plante qui demande à croître librement. Gouvernée, elle se flétrit, elle meurt, et l’on envisage alors, non sans effroi, l’obligation de remplacer les dons volontaires par une taxe. Toute intervention légale ne servirait, dit-on, qu’à dessécher les sources vives de la bienfaisance publique. Pour que ces sources coulent abondamment, pour que les diverses infortunes soient soulagées, il suffit d’ailleurs de laisser faire. Les états-généraux ont donc introduit un système mixte, qui perpétue la prédominance de l’élément religieux et individuel sur l’élément civil, mais qui admet aussi le concours de l’état. Nous avons très peu parlé de l’action du gouvernement dans la distribution des secours ; si sa main se cache ici plus qu’ailleurs, il ne faudrait pourtant pas en conclure que cette main soit tout à fait absente. En Hollande, il n’y a point de système absolu. L’élément civil intervient dans les hospices, les caisses d’épargne, les écoles, les bureaux de bienfaisance. Quand la caisse des diverses églises se ferme, le