Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/15

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Le premier qui ait montré ce que pourrait être un royaume roumain indépendant, c’est Étienne, et qui considérera avec quels faibles moyens il a accompli tant de choses extraordinaires ne lui refusera pas le nom de grand. À peine maître de la Moldavie, il se venge des usurpations des Hongrois, auxquels il tue dix mille hommes dans la bataille de Baia, le 15 décembre 1467 ; il s’étend aussitôt dans la Transylvanie, dont il se fait livrer par Mathias Corvin les gorges principales avec tout le territoire dont les eaux tombent dans la Bistritza et le Sereth. L’orgueil hongrois a fait des efforts inimaginables pour cacher cette première plaie ; il a bien fallu pourtant que cette race héroïque avouât sa défaite. Dans le même temps qu’Étienne se fortifie dans les Carpathes, il ferme son état vers l’autre extrémité, aux embouchures du Dniester et du Danube. Les forteresses de Kilia et d’Ackerman, prises d’assaut, lui assurent la Mer-Noire. Cependant il n’a dans ses mains que la Moldavie ; le prince de Valachie, ce même Vlad qui faisait empaler trente mille prisonniers en un jour et dans la même plaine, se soulève contre lui, et donne lieu aux campagnes de Valachie en 1469, 1470, 1471, 1472. Il fallut ces quatre années pour finir ce qu’on peut appeler une guerre civile. Partout vainqueur, à Sotzi, à Cursul-Apei, Étienne n’a plus rien à craindre des siens ; mais c’est une armée de cent vingt mille musulmans qui vient fondre sur lui. Elle est commandée par Mahomet II, le conquérant de Constantinople, qui n’a trouvé jusqu’ici aucun obstacle. Le 17 janvier 1475, Étienne met en déroute avec quarante mille hommes, à Racova, l’armée mahométane ; il la rejette au-delà du Danube. La chrétienté se sent sauvée, et elle ignore par quelle main. Étienne envoie des drapeaux, des esclaves, des trophées au roi de Pologne, au roi de Hongrie, qui essaie plus tard de lui dérober sa victoire, au patriarche de Rome Sixte IV, qui salue Étienne du nom d’athlète du Christ. Les Valaques, le croyant perdu, l’avaient de nouveau attaqué ; il les châtie. Presque aussitôt on le voit balayer une invasion de Cosaques et de Tartares qu’il noie dans le Dniester. L’année était à peine achevée, que Mahomet II reparaît, et cette fois avec les forces de toute la Turquie. Il passe le Danube sur cinq ponts. Étienne attend les secours promis par les Hongrois et les Polonais. Ces secours n’arrivent pas. Livré à lui seul, il accepte le 26 juillet 1476 la bataille de Vale-Alba sur les frontières nord-ouest de son état. Il la perd. C’eût été pour un autre un coup mortel. Étienne disparaît un moment submergé, et tout à coup le voilà, en 1481, qui écrase de nouveau les Valaques, toujours rebelles, à la journée de Rimnik, fameuse par l’apparition de saint Procope, qui traverse le champ de bataille et relève les affaires désespérées du Moldave. Les Valaques réduits, les Ottomans reparaissent. Ba-