Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/139

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

et ensuite on craint, en arrachant ces pauvres à leurs relations, de leur enlever les moyens de rétablir un jour leurs affaires. Tant qu’ils restent au contraire dans la ville, ils conservent la perspective d’un meilleur sort, et s’adressent à leurs amis pour reconquérir du travail. L’hospice est une fabrique : on y file, on y tisse, on y fait des cordages. Le nombre des personnes logées, nourries, entretenues par l’établissement, varie d’une année à l’autre, et suit en quelque sorte les fluctuations économiques de la société elle-même. De longs hivers, la cherté des moyens de subsistance, le manque de travail, ont pour résultat ordinaire d’accroître la population du werkhuis. De 1822 jusqu’à 1845, cette population était de 600 à 900 personnes par année ; depuis 1845, elle est en moyenne de 1,000 à 1,200 têtes. Les pères et les mères de famille y entrent avec leurs enfans. Ces enfans reçoivent une instruction scolaire et religieuse. Le maître et la maîtresse d’école sont choisis parmi les gens que secourt l’hospice. L’entretien de l’établissement coûte en moyenne, 90,000 florins par année. Cette œuvre honorable ne mériterait que des éloges, si le mélange des pensionnaires n’en dénaturait le but et le caractère. La maison de travail reçoit, outre ceux qui viennent y chercher un asile contre les atteintes de la misère, les mendians qui ont été condamnés et qui attendent qu’on les conduise aux colonies, les personnes qui se sont rendues coupables de contravention aux ordonnances de la ville, les détenus pour dettes. Il y a là un ensemble de faits qu’on s’étonne de trouver réunis. La pauvreté est un malheur, la mendicité est un délit. On se demande s’il est bien conforme à la morale de la charité de confondre sous le même toit et sous le même vêtement des conditions aussi diverses.

Une institution d’un autre genre, mais destinée également à fournir du travail aux ouvriers qui en manquent, existe dans la ville de La Haye. Un conseil permanent, formé des diacres de toutes les communions religieuses, administre les intérêts généraux de la classe pauvre. Les théâtres versent à La Haye, comme en France, une certaine somme prélevée sur les plaisirs des riches ; mais cette somme, au lieu de tomber, comme chez nous, dans les mains de l’état, descend dans la caisse commune des diverses communions religieuses. Pendant la kermesse, les baraques établies sur la place paient également un droit. Le conseil des diacres reçoit ces différentes contributions. Il y a huit ou neuf ans, cette réunion d’hommes, divisés par les croyances, mais réunis par le lien de la charité, eut l’idée