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Pour être certain que le sang contient bien réellement du sucre, il faut que nous le voyions se dédoubler en alcool et en acide carbonique. Alors, lui a-t-on dit, la théorie glycogénique sera bien réellement ébranlée. On fit en effet de ce point le nœud de la question, et il faut convenir que l’expérience était périlleuse, et qu’une preuve aussi irrécusable que tout sang, toute chair, toute matière animale contient du sucre, devait embarrasser les partisans de M. Bernard. A leur grand désappointement, M. Figuier, dans un mémoire présenté à l’Académie des Sciences au mois d’avril 1855, démontra que la fermentation bien faite corroborait ses premières expériences avec le sel de cuivre, et que si entre les mains de M. Bernard elle avait eu des résultats si différens, il fallait en accuser l’albuminose, qu’il ne songeait pas à écarter, et qui là aussi gêne la réaction. Il a donc obtenu avec un sang quelconque de l’alcool et de l’acide carbonique, et la présence du glycose dans le sang est difficile à nier. Pour lui, du reste, l’expérience est concluante, et il n’y a pas dans l’économie d’autre sucre que celui qui lui vient des alimens. Dans un article publié en septembre dernier, M. Doyère a même présenté la question comme terminée, et M. Bernard comme vaincu. Il pense, avec M. Figuier, que, quelques précautions qu’on prenne dans les expériences, on donne aux chiens de la chair ou du sang sucré qui se retrouvent ensuite dans leur sang et dans leur chair, que ce sucre vient s’accumuler dans le foie, qui contient de grandes quantités de sang et sert de réservoir aux produits de la digestion; mais jamais le sucre trouvé n’a pu être formé par cet organe, et il faut renoncer à lui attribuer cette fonction nouvelle et singulière.

Le mémoire de M. Figuier est intéressant, ses expériences, surtout les dernières, paraissent faites avec soin; pourtant sa conclusion nous semble trop absolue. Elle va plus loin que ses observations, et sa découverte a été niée depuis devant l’Institut même. L’adversaire de M. Bernard a constaté ce fait déjà entrevu, mais seulement dans des circonstances spéciales, par M. Magendie, que le sang contient du sucre. On ne peut plus dire : Il n’y a pas de sucre avant le foie, il y en a après; donc le foie sécrète du sucre. Mais ce n’est pas sur cette seule observation que s’appuient les idées nouvelles, et l’on a été bien imprudent de placer là le criterium de la théorie glycogénique. D’abord peut-on comparer la quantité de sucre presque infiniment petite que contient le sang dans la veine-porte avec les réactions si manifestes du glycose dans le foie, dans les veines hépatiques et la veine-cave? Comment expliquer cette différence dans le système de M. Figuier? Pourquoi telle partie du sang serait-elle plus sucrée que telle autre? Les quantités considérables de glycose peuvent-elles provenir de ces parcelles introduites dans