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avec de la graisse, la quantité de sucre que contient son foie est très faible. Si au contraire l’alimentation est azotée, la proportion de sucre augmente très sensiblement. Ainsi la viande, l’albumine, la fibrine, sont très favorables à la sécrétion, et M. Lehmann a vérifié que le sang perd, en traversant le foie, quelque peu de fibrine et d’azote, qui se retrouvent dans les matières azotées de la bile. Quant aux alimens féculens ou sucrés, ils n’agissent pas sensiblement sur la fonction, contrairement à toutes les théories anciennes, qui voulaient que le sucre trouvé dans l’économie provînt toujours de la fécule ou de l’amidon ingérés. Remarquons toutefois que les choses se passent ainsi, dans l’état normal, chez des animaux bien portans, mais que dans les cas pathologiques il en peut être autrement. Chez les malades affectés du diabète, c’est-à-dire d’une maladie qui exagère leur faculté glycogénique, du sucre, provenant soit de la fécule, soit de l’amidon des alimens, peut arriver directement dans le foie. Une expérience déjà ancienne a prouvé ce fait, et ce n’est pas sans raison que M. Bouchardat a conseillé, comme le rappelait dernièrement M. Payen[1], de donner aux diabétiques un pain privé de fécule et composé uniquement de gluten. Néanmoins, à l’état sain, M. Bernard pense avoir démontré que le sucre produit par le foie est fait aux dépens des matières albuminoïdes, ce qu’aucune des réactions chimiques qui se passent dans les cornues ou dans l’estomac ne devait faire présumer.

Les hommes, les animaux et les plantes sont animés d’un mouvement continuel. Il se passe sans cesse en eux une succession de phénomènes de production et de destruction, de combinaison et de décomposition, qui est la vie. Chaque substance nouvelle introduite dans l’économie se transforme, s’assimile, comme on dit, c’est-à-dire devient de la chair, du sang ou de l’écorce, puis est expulsée au dehors après avoir servi quelque temps à entretenir la vie, le mouvement ou la sensibilité. C’est la nutrition qui préside à ces transformations continuelles. Quel rôle joue le sucre dans cette machine compliquée qu’on appelle l’organisation? Où se détruit-il, s’il se détruit, et que deviennent ses élémens? Nous avons vu qu’on ne le trouve que dans le foie, dans les veines hépatiques et dans la veine-cave, où celles-ci se jettent. Nulle part ailleurs, sa présence ne peut être constatée. Si même on injecte une très petite quantité d’eau sucrée dans les veines d’un animal, ce sucre ne se retrouve bientôt plus ni dans le sang ni dans aucun des liquides de l’économie. La faculté de destruction est donc encore supérieure à la faculté de production. Rappelons d’ailleurs qu’il s’agit toujours ici de sucre

  1. Dans la Revue des Deux Mondes du 16 octobre 1855.