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de lobule de Spigel, quoique Eustachi, Jacobus Sylvius et Vidus Vidius l’aient décrit avant Spigel. Il est suspendu par des replis du péritoine, et pèse environ deux kilogrammes; sa largeur et sa longueur varient entre 0m, 15 et 0m, 25, et son épaisseur entre 0m, 10 et 0m, 14, selon la stature, l’embonpoint, les habitudes du corps, la nature même des vêtemens. Il communique avec l’intestin par un conduit qui s’embranche sur la vésicule. Enfin, et ceci est important, il reçoit plus de sang que tous les autres organes, et surtout du sang veineux par une veine considérable qui depuis longtemps a reçu le nom de veine-porte. Ce sang, lorsqu’il a traversé le foie, passe dans les veines sus-hépatiques, qui vont se jeter dans la veine-cave. Le tissu de l’organe est composé de petits lobules unis ensemble par du tissu cellulaire et des vaisseaux. La forme, la grosseur de ces lobules varient d’ailleurs souvent, et chaque animal a les siens; tantôt ils sont coniques, tantôt oblongs, tantôt trifoliés. Entre eux se ramifient la veine-porte et les filets nerveux qui viennent donner au foie la vie et la faculté de remplir ses fonctions.

Voilà, je crois, tout ce qu’il est nécessaire de connaître sur l’anatomie du foie pour comprendre la découverte de M. Bernard et ses conséquences. Une description complète de cet organe, dans l’état de précision et de minutie auquel on est arrivé, tiendrait près d’un volume; mais elle est inutile ici, car il est bien clair qu’aucune induction tirée de la conformation ou de la structure du foie ne pouvait conduire à un résultat pareil, et l’expérience physiologique pouvait seule guider M. Bernard. L’auteur de la récente découverte avait été dès longtemps frappé de ce fait, que parfois du sucre se produit dans l’organisme en assez grande abondance pour causer une maladie grave à laquelle on a donné le nom de diabète sucré. Chez les personnes qui en sont atteintes, le sang, les tissus, tous les organes sont imprégnés de matière sucrée, tous les alimens semblent se transformer en sucre, et la mort arrive bientôt. M. Bernard pensa qu’il serait singulier qu’une maladie produisît chez les êtres animés cette faculté de faire du sucre. Les maladies ne sont d’ordinaire que des excitations morbides de fonctions qui existent déjà à l’état normal. Il était donc simple de croire qu’un organe avait la propriété de faire du sucre, propriété qui, activée par la maladie, pouvait devenir mortelle. D’un autre côté, les alimens sont souvent sucrés, et le sang, d’après les analyses les plus récentes, paraissait ne l’être jamais. Il devait donc y avoir, pensa M. Bernard, un organe producteur de sucre et un autre destructeur. Ces deux organes étaient inconnus, et c’est au second qu’il pensa d’abord devoir s’attacher, cette recherche étant plus facile. Dès 1843, il introduisit de l’eau sucrée dans les veines d’un animal vivant, désireux de poursuivre le sucre dans