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plaisir, ni celui de la colère, qu’il n’est pas non plus l’origine des veines ou l’instrument destiné à cuire les alimens dans l’estomac, mais que c’est une glande qui sécrète un liquide abondant, jaune ou noirâtre, très amer, et qui pour la consistance ressemble à un sirop. Cette bile est conduite dans l’intestin, où elle se mêle aux alimens pour aider à la digestion. Borelli, appliquant les mathématiques à la physiologie et calculant la surface de sécrétion du foie, avait démontré qu’un homme sécrète en vingt-quatre heures 34 livres de bile. Cela est évidemment exagéré. Graaf a trouvé directement qu’un chien en sécrète en huit heures 6 drachmes, ce qui, d’après un calcul de Haller, donne pour l’homme 24 onces en vingt-quatre heures, ou mie once par heure. Muckius et Berenhorst sont encore arrivés à des résultats différens, et enfin les expériences récentes de M. Blondlot ont démontré qu’il faut réduire le poids de la bile sécrétée en un jour à 10 ou 12 grammes. Cela sans doute est loin du calcul de Borelli, mais c’est pourtant une sécrétion considérable.

La discussion de Bartholin et de Swammerdam fit étudier de plus près l’anatomie du foie, alors encore mal connue. Ainsi l’on découvrit la vésicule du fiel et ses usages. C’est une petite poche placée dans un sillon à la partie inférieure du foie et communiquant avec le conduit excréteur de la bile. Les divers tubes qui unissent cette vésicule au foie et le foie à l’intestin ont une disposition telle que, lorsque la bile devient nécessaire à la digestion, la vésicule se vide directement dans l’intestin. Si au contraire ce dernier organe est inactif, toute la bile sécrétée va remplir la vésicule, qui peut contenir à peu près tout le liquide produit en vingt-quatre heures. On remarqua aussi que cette vésicule existe chez presque tous les carnivores, comme les tigres, les lions, les chiens, les chats, tandis qu’elle manque chez une foule d’herbivores, tels que les chevaux, les cerfs, les éléphans. On la trouve chez la plupart des oiseaux et chez tous les poissons, mais non chez les reptiles. C’était donc encore là un organe important, et dont les usages évidens et la disposition ingénieuse démontraient toute l’utilité de la bile pour la digestion. Si, par exemple, les carnivores en possèdent une, tandis que les herbivores en sont souvent privés, cela tient à ce que les premiers font des repas plus espacés et plus copieux que les autres et ont besoin, à un moment donné, d’une grande quantité de liquide digestif. En outre la sécrétion augmente pendant la digestion, et c’est alors que la bile vient se mêler aux alimens, et les animaux en sécrètent d’autant plus que leur nourriture est plus compliquée et plus indigeste. Le volume du foie et la quantité de bile qu’il sécrète chez l’homme ont été souvent allégués pour démontrer que nous sommes destinés à manger la chair des animaux. Enfin les progrès de la science, en